Le sentier botanique du jardin L’Hardy Denonain à Gassin rassemble plus d’un millier d’essences d’origine méditerranéenne.
Au pied des remparts de Gassin
Du haut de sa colline, Gassin offre une vue exceptionnelle sur le golfe de Saint-Tropez et le Massif des Maures. Depuis son classement comme l’un des plus beaux villages de France, les restaurants ont envahi la terrasse médiévale Deï Barri. Il faut se faufiler entre les tables dressées pour découvrir le portillon d’entrée du jardin botanique L’Hardy Denonain qui se cache sur les restanques au pied des remparts de la vieille ville.
Un patrimoine rural
Chênes-liège et mûriers séculaires gardent en mémoire le passé vivant de ces berges exploitées par les ancêtres gassinois. Les terres escarpées produisaient pois chiche, amandes et prunes. Les feuilles des mûriers nourrissaient les vers à soie des magnaneries, les chênes lièges donnaient de la matière première aux bouchonneries. Le cheval qui arpentait les restanques a disparu mais les deux cabanons subsistent. Le poulailler sert au rangement des étiquettes botaniques et dans l’abri aux cochons sont entreposés les outils de jardinage.
Le jardin botanique L’Hardy Denonain
Le jardin botanique de Gassin a été créé en 1973 par Germaine L’Hardy Denonain. Née avec le siècle, Germaine découvre ce village en 1927 et décide de s’y installer deux ans plus tard. Elle aime Gassin et les Gassinois. Sa crainte est de voir disparaître progressivement le charme et l’authenticité de ce beau village provençal. En 1975, ses enfants achètent un terrain sur les coteaux du village. Germaine s’adonne aux joies du jardinage. Mais il lui faut d’abord défricher cette inextricable broussaille.
Germaine L’Hardy Denonain
Pendant quatorze années, Germaine remet en état les restanques limitées par des murets en pierre sèche. Elle dessine des allées et des escaliers reliant les plans horizontaux où la terre est retenue. Exit les fougères envahissantes, les ronces et les garances. Elle dégage les végétaux déjà en place, en plante d’autres, créant des images paysagères qui agrémentent la promenade. Germaine n’a pas connu l’aspect définitif du jardin botanique L’Hardy-Denonain qui correspond à ses descriptions car elle décède en 1987.
Marie-Thérèse L’Hardy-Halos
Botaniste et naturaliste, Marie-Thérèse L’Hardy Halos a pour références le Domaine de Rayol, Jean-Henry Fabre et Pierre Rabhi. Quelle chance! Elle est la belle-fille de Germaine et reprend le flambeau dans les années 1990. Cette longue et belle dame accueillante veille avec vigilance sur un petit bout de nature qui assemble avec bonheur un millier de plantes du Massif des Maures ou d’essences méditerranéennes acclimatées.
La Provence intime
«Si vous aimez les jardins, passez votre chemin.» «Vous ne trouverez ici ni célébrité historique, ni architecture prestigieuse.» «Soyez attentifs, il y a des bébés tortues qui peuvent se trouver sur votre chemin.» Les petits panneaux qui animent la balade dévoilent l’esprit de ce jardin où les visiteurs sont les bienvenus mais aussi la tortue, le hérisson, le crapaud ou la musaraigne. Il y a aussi des centaines d’étiquettes botaniques qui vont me permettre d’identifier plus de six cents espèces.
Les cyprès de Provence
Cheminant le long des remparts, je découvre les cimes d’un couple de cyprès de Provence, Cupressus sempervirens, qui veille sur le jardin botanique L’Hardy Denonain à Gassin. Sur ce fond sombre se détachent le feuillage d’arbustes légers dont un faux-poivrier ordorant, Schinus molle qui se couvre à la fin de l’été de baies de poivre rose.
Un portillon en fer forgé m’ouvre les portes du jardin. C’est un précieux vestige du passé construit par les anciens entre 1895 et 1920. Dans le jardin, un plan me permet de cheminer librement de restanque en restanque. Sur la première allée, des panneaux illustrés présentent les aspects botaniques et écologiques du jardin. «Le jardin est volontairement sauvage. L’objectif est que, quand on entre dans cet espace, on ne sente pas un décalage considérable avec les espaces sauvages environnants. Quelque chose qui ressemble à un sous-bois.»
Cycas revoluta
Thérapie forestière
Dans le jardin botanique L’Hardy Denonain, les arbres et les arbustes sont pour la plupart indigènes et conservent leur port naturel. Les anciens savaient qu’il ne faut pas couper la tête des arbres. Du bon état de la cime dépend la santé de l’arbre et du monde vivant qui l’entoure. L’atmosphère d’un sous-bois harmonieux est telle que l’on parle de ici de thérapie forestière. Dans la strate arborescente, le chêne-liège, Quercus ruber, domine, tout comme le mûrier noir, Morus nigra. Il y a aussi quelques charmes-houblon, Ostrya carpinifolia, qui produisent en abondance des grappes jaune ivoire.
La strate arbustive
Les principales espèces méditerranéennes prospèrent dans la strate arbustive, myrte, Myrtus communis, et alaterne, Rhamnus alaternus, cistes, Cistus, et laurier-tin, Viburnum tinus. Accrochée à la roche de la muraille, une grande agave, Agave salmiana, originaire du Mexique voisine avec un Fremontodendron californica à la floraison printanière spectaculaire.
Cassia corymbosa
L’allée des lauriers sauce, Laurus nobilis, jouxte l’escalier du jujubier, Ziziphus jujuba et la pente de l’arbre de Judée, Cercis siliquastrum. En progressant vers le sud, devant le couple de cyprès suivant, j’observe un Exochorda racemosa qui se couvre au printemps de fleurs blanches. Surnommé genêt à âne, un Genista monosperma ruisselle de fleurs d’aspect rosé qui produisent des petites gousses couleur caramel.
Un ensemble de trois arbustes est composé d’un jasmin primevère, Jasminum mesneyi, d’un Rhamnus alaternus et d’un Buddleia davidii, le lilas d’été dont les fleurs très mellifères attirent les abeilles. Plus loin, on se trouve face à un Pittosporum tobira qui se couvre au mois de mai de petites fleurs blanches au parfum d’oranger. Un chèvrefeuille, Lonicera tatarica, complète cet ensemble, garnissant le tronc mort d’un cyprès terrassé par une tempête.
Saxifraga stolonifera
La strate herbacée
Santoline petit cyprès, Santolina chamaecyparissus, dentelaire, Ceratostigma plumbaginoides et rue d’Alep, Ruta chalepensis cohabitent avec les plantes sauvages de la strate herbacée. Au fil des saisons, on admire ces anonymes, ces plantes inconnues qui s’éparpillent dans le jardin. Habituellement délaissées, voire éliminées, elles ont ici un statut car leurs fleurs sont des réserves de pollen et de nectar pour les abeilles, bourdons, guêpes, papillons, coléoptères, diptères, etc…. L’étiquette leur donne de l’importance.
Dans le jardin botanique L’Hardy Denonain à Gassin, toutes les nuances de vert sont présentes. Elles jouent un rôle fondamental en permettant la juxtaposition de toutes les autres couleurs. C’est ainsi que se côtoient les rouges les plus variés, les jaunes les plus divers, voire les bleus et les violets. Une large palette, mouvant selon la saison, s’offre au regard étonné des visiteurs qui habituellement cheminent dans la couleur du béton.
A la fin de l’hiver et au début du printemps l’oseille des bois, Oxalis cernua, forme un excellent couvre-sol, parfois envahissant. Une autre espèce, l’Oxalis floribunda, est une espèce protégée à fleurs roses plus petites et à feuilles plus grandes. Le gouet serpentaire, Dracunculus vulgaris, épanouit ses spathes superbes au mois de juin.
Sternbergia lutea
En été, les lavatères royales, Lavatera arborea, s’épanouissent en une discrète fleur mauve tandis que la gentiane en arbre, Solanum rantonnetii se couvre d’un manteau bleu. Le mimosa odorant, Acacia karoo et le Cassia corymbosa offrent leur floraison lumineuse jaune vif sur un feuillage très léger.
Solanum rantonnetii
Les floraisons des orchidées sauvages, Orchis, Serapias, Epipactis et Spiranthes font l’objet d’une attention toute particulière. De mai à septembre, la floraison de l’urosperme de Daléchamps, Urospermum dalechampsis, et celle de l’andryale à feuilles intègres, Andryala integrifolia, toutes deux de couleur jaune soufre, se succèdent dans le sous-bois.
Amaryllis belladona
La fin de l’été dans le jardin botanique L’Hardy Denonain offre les floraisons rose pâle de l’Amaryllis belladonna, une plante bulbeuse d’origine sud-africaine et du Liriope spicata qui forme un tapis compact couvert de fleurs bleues.
Liriope spicata
En région méditerranéennes, l’automne est un second printemps. Le sous-bois offre un aspect très typique grâce à l’exubérance de floraisons simultanées. Le Tulbagia violacea embaume de ses fleurs lilas. La vendangeuse Sternbergia lutea illumine l’espace grâce à ses fleurs jaunes ressemblant à celles des crocus. Le cyclamen napolitain, Cyclamen neapolitanum, produit à profusion des ravissantes fleurs à deux tons de rose.
Cyclamen neapolitanum
La marguerite d’automne, Bellis sylvestris, à ligules blanches et à coeur jaune, prolifère en toute liberté sur toutes les restanques. Le Lespedeza, arbuste d’origine chinoise, ajoute à cette harmonie de couleur, une touche délicate de pourpre violacé.
Le bassin aux batraciens
Un muret qui borde le bassin aux batraciens accueille une série de pots soigneusement étiquetés qui présentent des plantes médicinales, le plantain lancéolé, Plantago lanceolata surnommé l’herbe à cinq coutures, antiseptique, la mélisse officinale, Melissa officinalis antispasmodique, le casse-pierre ou perce-muraille, Parietaria officinalis diurétique, le chélidoine, Chelidonium majus qui détruit les verrues.
Ruta chalepensis
Quelques plantes peu rustiques sont également cultivées en pot, Cycas revoluta, Aloes somaliensis, Veronica speciosa, Crassula multicava, Pandorea jasminoides, saxifrage araignée, Saxifraga stolonifera. Les espèces horticoles sont utilisées pour mettre en valeur les plantes indigènes. Ainsi, sur la terrasse du banc de pierre, quelques belles variétés d’iris s’épanouissent au printemps sous l’ombre légère d’un arbre de soie, Albizzia julibrissin. Le modeste gouet à capuchon, Arisarum vulgare, se fait remarquer grâce à la présence à ses côtés des ombelles bleues de l’agapanthe, Agapanthus umbellatus.
Près de la cabane à outils, une table ronde et quelques chaises se reposent sous l’ombrage d’un petit arbre pris d’assaut par une glycine de Chine, Wisteria sinensis. Des plantes en pot et des cageots remplis de plantes rhizomateuses ou bulbeuses attendent le troc aux plantes de la Coulaciun. Cette fête conviviale et champêtre se tient traditionnellement dans le jardin botanique L’Hardy Denonain à la fin de l’été.
Jardin botanique L’Hardy Denonain
Classé parmi les plus beaux villages de France, Gassin est un village médiéval qui se situe au coeur du Massif des Maures, face au Golfe de Saint-Tropez. Labellisé Jardin Remarquable, le Jardin botanique L’Hardy Denonain est ouvert du 30 avril au 15 octobre. Entrée libre, accès sur la place des Iles d’Or, face au restaurant le Micocoulier. Place deï Barri, Gassin (Var) France. L’office du tourisme de Gassin accueille les visiteurs à l’entrée du village. 20 Place Léon Martel, Montée Saint Joseph, Gassin. France. https://gassin.eu/fr/
Reportage publié en 2020 dans Eden (www.edenmagazine.be)
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