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la passion du voyage et des jardins.

Mystérieux, émouvant et fascinant, le jardin Serre de la Madone semble endormi. Le site est peu visité et il a gardé toute son âme.

 

Gentlemen-gardener

Le domaine Serre de la Madone a été créé entre 1924 et 1939 par Lawrence Johnston, sujet britannique d’origine américaine. Héritier d’une fortune considérable, cet officier né à Paris en 1871 est passionné par l’architecture et la botanique. Célèbre créateur du jardin anglais de Hidcote Manor, le major ne pense et ne vit que pour ses plantes. (voir mon reportage sur Hidcote Manor Garden)

Serre de la Madone

L’hiver sur la Riviera

C’est dans les années vingt, lors d’une visite à sa mère qui passe l’hiver sur la Riviera, que Lawrence tombe amoureux de Menton. Située dans la baie de Garavan, à quelques kilomètres de l’Italie, Serre de la Madone est encore une propriété agricole et boisée de 7 hectares installée sur les pentes escarpées de la Sierra della Madona.

Serre de la Madone

Le jardin épouse le paysage

Lawrence Johnston entreprend la création d’un jardin dans une succession de restanques qui s’agrippent à la pente. Le domaine garde l’allure originelle de la propriété en terrasses qui accueillaient autrefois des vignes, des oliviers, des orangers et des citronniers. Le jardin est ouvert sur la nature sauvage aux allures de garrigues avec ses pins maritimes, ses chênes et des bruyères.

Serre de la Madone

Un pallazo d’inspiration italienne

La maison ocre safran aux allures de villa italienne se détache sur un fond végétal foisonnant. La partie centrale de la demeure, à l’origine une ferme, existait à l’arrivée du major. Pour la rendre plus confortable, le major fait construire deux pavillons qui l’entourent et dont il dessine lui-même les plans. Ouverte sur le jardin, la maison se prolonge par des terrasses qui s’imposent comme la continuité des pièces de la villa.

Serre de la Madone

Une vie solitaire

Lawrence Johnston va passer l’hiver à Menton de 1924 à 1954. Reclus dans sa maison, il vit solitaire au milieu de ses vingt-trois domestiques et de ses dix chiens. En haut de la propriété, Lawrence installe une gigantesque volière qui couvre près d’un hectare de forêt où s’ébattent en semi-liberté des aras, des faisans dorés, des paons, des perroquets, des ibis et des grues couronnées.

Serre de la Madone

Douze jardiniers veillent sur le jardin. Pour retenir le terrain, le major fait construire des terrasses et des haies de cyprès, de pins d’Alep et de Corse qui le protègent du vent. Lawrence s’attache tout d’abord à enrichir la terre grâce à des apports considérables de fumier. Pour trouver de l’eau et irriguer le jardin, il fait construire d’immenses citernes qui récoltent l’eau de pluie.

Serre de la Madone

Des chambres de verdure

Johnston applique dans son domaine de Menton les mêmes bases architecturales qu’à Hidcote: juxtaposition de différents espaces clos appelés chambres vertes, plantations originales en masse avec un mélange d’essences rares, création d’une orangerie, de tonnelles, de pièces d’eau, fontaines, statues, calades, escaliers à volutes avec une recherche donnée aux effets de perspectives.

Serre de la Madone

Un lieu d’acclimatation

Le jardin accueille une flore exotique exubérante et rare que Johnston n’aura de cesse pendant plus de trente ans de rapporter d’Amérique, d’Afrique du Sud ou de Chine. On admire des mahonias chinois très florifères, Mahonia lomariifolia et Mahonia duclouxiana dont il ramasse les graines et qui se ressèment partout dans le jardin. Il y a aussi un Mahonia simianensis, premier exemplaire rapporté en Europe et planté ici en 1931, remarquable pour ses panicules jaunes parfumées en février.

Serre de la Madone

Du Japon, Lawrence revient avec plusieurs glycines dont un Wisteria floribunda ‘Violacea plena’ aux longues grappes et Wisteria multijuga ‘Rosea’ aux inflorescences rose pâle. Il ramène aussi des pivoines arbustives, Paeonia suffruticosa, à fleurs doubles ou semi-doubles dont il borde une allée d’oliviers.

Serre de la Madone

Une collection botanique

Près de huit cents arbres sont recensés avec, parmi les plus remarquables, deux Washingtonia robusta qui annoncent la serre froide, un magnifique Magnolia delavayii dans le jardin de rocaille ou un figuier sycomore, Ficus sycomorus, arbre biblique qui est sans doute l’un des premiers arbres fruitiers domestiqués dans l’Egypte ancienne.

Serre de la Madone

On découvre aussi des camphrier, Cinnamomum camphora, des bambous géants, Dendrocalamus asper, et un Brachychiton discor au tronc en forme de bouteille. Les murets sont fleuris d’un spectaculaire Oxalys à fleurs roses originaire d’Afrique du Sud et d’un Trachelium à fleurs bleues. Dans la serre chaude, on remarque les lianes de Thunbergia grandiflora et coccinea.

Serre de la Madone

Un lieu de promenade magique

Serre de la Madone est un jardin intime, même si le jardin au moment de sa création devait avoir une toute autre allure. Il faut gagner le belvédère pour découvrir une vue imprenable sur le jardin et la campagne environnante. Dissimulé par les panicules mauves des glycines, cette pergola ombragée permet de découvrir un autre visage de la villa.

Serre de la Madone

Dans le jardin d’eau, coiffant la statue de Vénus, les papyrus sont accompagnés de nymphéas exotiques et de jacinthes d’eau. Ailleurs, on découvre les fameux lotus, Nelumbo nucifera.

Serre de la Madone

Une cour pavée de galets disposés en mosaïque évoque la calade typique des places de villages de Ligurie et de Menton. Le mandarinier abritait les perroquets ramenés par le major au cours de ses voyages.

Le jardin hispano-mauresque rappelle les jardins de l’Alhambra à Grenade, avec la loggia décorée d’azulejos, le bassin et ses jets d’eau, le pigeonnier et les haies de myrte. Ce lieu invite au dépaysement et à la rêverie.

Serre de la Madone

Une jungle endormie

En 1958, à la mort de Lawrence Johnston, Serre de la Madone tombe dans un demi-sommeil. La situation du parc, devenu une véritable jungle, alerte les pouvoirs publics. Ceux-ci procèdent en 1990 à son classement comme Monument historique le sauvant in extremis de la ruine. Le site est devenu la propriété du Conservatoire du Littoral en 1999.

Serre de la Madone

Le jardin s’étend aujourd’hui sur 3 hectares de terrasses où sont acclimatées les plantes rares et 5 hectares où la forêt méditerranéenne est conservée. Un inventaire botanique est entrepris, révélant l’extrême richesse de ce jardin abandonné au temps. Car Lawrence Johnston ne laissera jamais d’écrit ni de listes de plantes et ses sources botaniques resteront secrètes.

Serre de la Madone
Serre de la Madone
Serre de la Madone
Serre de la Madone

Serre de la Madone, route de Gorbio 74 à 06500 Menton. France. Classé Monument Historique et Jardin remarquable. www.conservatoire-du-littoral.fr et  https://www.menton.fr/Jardin-Serre-de-la-Madone.html

Reportage publié en 2018 dans Eden (www.edenmagazine.be)

Rendez-vous dans la rubrique Jardins, Angleterre Ouest, pour découvrir mon reportage sur les Jardins des Cotswolds et sur Hidcote Manor, et dans la rubrique, Sud de la France, pour découvrir mes reportages sur les autres jardins de Menton, Les Colombières, le Val Rahmeh, la Citronneraie, sur la Villa Les Cèdres et la Villa Ephrussi au Cap Ferrat, sur le Jardin exotique de Monaco, le Jardin exotique d’Eze, le Domaine du Rayol et le Château de La Napoule, ou cliquez sur les liens.

 

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