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Rosa centifolia, jasmin, tubéreuse, oranger… Promenade odorante à Grasse dans les Jardins du Musée International de la Parfumerie.

 

Sur la route des parfums

Situés au pied de la ville de Grasse, les Jardins du Musée International de la Parfumerie s’étendent sur 2,5 hectares. Ils s’articulent autour d’une bastide, d’un vieux canal et d’un bassin agricole. Dans cet espace, des cultures en plein champ d’espèces cultivées pour la parfumerie côtoient des espaces paysagers présentant diverses collections de plantes odorantes ou aromatiques. Ces plantes fournissent depuis des siècles les fragrances et notes olfactives utilisées en parfumerie.

Jardins Musées International de la Parfumerie
Jardins Musée International de la Parfumerie
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Des champs de fleurs

Les collines du pays de Grasse ont longtemps été couvertes de champs de fleurs. Au 17e siècle, Grasse est une ville célèbre pour ses tanneries. Pour effacer l’odeur du cuir, les tanneurs utilisent les essences naturelles de la région. Les fleurs deviennent une source de richesse pour la cité bénie des dieux. Les cultures en plein champs du jasmin et de la rose apparaissent dès la fin du 17e siècle, début 18e siècle. Les cultures se font dans les « jardins », terres irriguées en limite de bourg. Ailleurs règne encore la trilogie agricole méditerranéenne avec la culture du blé, de la vigne et de l’olive. Dès 1800, les restanques en bordure de la ville, ces parcelles en terrasses soutenues par des murets, se couvrent de jasmins, d’orangers, de rosiers, de cassiers, de jonquilles et de tubéreuses.

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Les alambics familiaux

La transformation des matières premières évolue, supplantant une longue tradition de distillation sur les lieux de culture, dans des alambics familiaux. La construction du canal de la Siagne en 1868 résout le problème de l’irrigation des cultures. Grâce aux conditions exceptionnelles du climat et de la nature du sol, la culture des roses de mai, jasmins et tubéreuses en plein champ s’étend à l’ensemble du bassin grassois. De grands domaines lui sont alors consacrés. Il faut attendre la fin du 19e siècle pour que Grasse passe de l’artisanat à l’industrie. Les grands champs de fleurs en culture intensive se répandent dans tout le pays grassois.

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L’extraction par solvants

La culture des plantes à parfum à Grasse connaît son apogée dans la première moitié du XXe siècle. Après des années de traitement de distillation par vapeur d’eau et enfleurage au corps gras, un nouveau procédé industriel est inventé à Grasse en 1870. L’extraction par solvants volatils va révolutionner la parfumerie. La demande en fleurs explose alors. Près de 5000 hectares de cultures de plantes à parfum s’étendent dans le Pays de Grasse. en majorité du jasmin et des roses, ainsi que des tubéreuses et de nombreuses cultures d’orangers, de violettes, de verveine, de menthe.

Jardins Musée International de la Parfumerie
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La vague écologique

L’industrie des parfums à Grasse décline dans les années 1970 concurrencée par les produits de synthèse. On assiste à un déplacement géographique des cultures vers l’Asie et l’Afrique du Nord où l’on trouve une main d’oeuvre abondante pour la cueillette. Mais la vague écologique des années 2000 et la demande accrue de produits aromatiques naturels en parfumerie et en cosmétique ont permis aux parfumeurs grassois de retrouver leur héritage. Environ 40 hectares de plantes à parfum, notamment de roses, de jasmins, de tubéreuses, violettes et mimosas sont encore cultivés dans le Pays de Grasse par des agricultures soucieux de transmettre leur savoir-faire.

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Des cueillettes à la main

Les cueillettes dans les jardins et dans les champs de culture à Grasse se succèdent du mois de mars jusqu’au mois de novembre et elles se font toujours à la main. Elles occupaient il y a encore quelques décennies une main-d’oeuvre importante, presque exclusivement féminine. Les fleurs étaient récoltées dans des paniers ou de grands tabliers aux bords retroussés et fixés à la taille. Chaque jour, les cueilleuses récoltaient chacune près de 10 kilos de pétales de rose ou 2 kilos de fleurs de jasmin. Des commissionnaires centralisaient les récoltes et les vendaient aux usines de parfumerie. Aujourd’hui encore, les fleurs cueillies dans les champs de culture sont acheminées chaque jour dans les usines pour être transformées en concrète, absolue ou huile essentielle.

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Les plantes à parfum et les plantes à senteur

Il suffit de froisser avec ses doigts le feuillage d’un géranium rosat, Pelargonium graveolens, pour se rendre compte que certaines plantes sont riches en molécules aromatiques. Le secteur de la parfumerie a autant besoin de productions exceptionnelles destinées à des parfums de luxe, d’où la culture d’iris, de jasmin ou de rose, que de cultures moins coûteuses comme le lavandin ou le romarin.

Deux sortes de plantes cohabitent au sein des Jardins du Musée International de la Parfumerie. D’une part, les plantes à parfum, qui sont appelées ainsi car l’un de leurs extraits entre dans la fabrication des parfums. Elles servent en quelque sorte de matières premières aux parfumeurs. D’autre part, les plantes à senteur, comme le chèvrefeuille ou la pivoine, véritable source d’inspiration et de modèle pour les parfumeurs. L’extraction de leur essence est parfois impossible ou trop ardue à réaliser, comme pour le lilas. Les parfumeurs copient leur fragrance ou la recréent de façon synthétique.

Jardins Musée International de la Parfumerie
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Les notes florales et fruitées

Pour aménager certaines parcelles des Jardins du Musée International de la Parfumerie, les jardiniers ont appliqué une classification de matières premières naturelles utilisée en parfumerie. Il y a les notes florales, les fruitées, les hespérides, les boisées, les herbacées agrestes, les épicées, les culinaires et les menthes.

Parmi les notes florales, on retrouve le géranium rosat, Pelargonium graveolens, dont on utilise les feuilles qui évoquent l’odeur de la rose. Au début du 20e siècle, près de 10.000 tonnes étaient récoltées à Grasse. On retrouve sa fragrance dans les parfums ‘Calèche’ d’Hermès, ‘Kouros’ d’Yves Saint Laurent ou encore ‘Allure pour homme’ de Chanel.

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Les inflorescences jaune vif du mimosa, Acacia dealbata et Acacia farnesiana, s’épanouissent en février. La fragrance florale anisée est présente dans le parfum ‘Coco’ de Chanel. Une autre note florale est extraite des rhizomes séchés des iris, Iris palida et Iris germanica. Son odeur riche mais douce, poudrée et légèrement boisée entre dans la composition des parfums ‘Arpège pour homme’ de Lanvin et ‘L’Heure bleue’ de Guerlain.

Les agrumes dont l’oranger Bigaradier, Citrus aurantium, apportent une note fruitée et fraîche. On utilise l’écorce ou le zeste, les fleurs et les feuilles. Cette note dite hespéridée parfume les eaux de Cologne et des eaux de toilette fraîches. On la retrouve dans ‘Poème’ de Lancôme et ‘Eau d’Orange verte’ d’Hermès.

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Les notes boisées, épicées et herbacée

Plusieurs variétés de cèdres sont utilisées en parfumerie. Avec le bois du cèdre de l’Atlas, Cedrus atlantica, on obtient une odeur douce, camphrée qui évoque le cuir. Le vétiver, Chrysopogon zizanoïdes, est une graminée aux longues feuilles fines qui pousse dans les zones tropicales. Les racines sont distillées pour obtenir une huile essentielle que l’on décèle dans les parfums chyprés. Son odeur est boisée et terreuse.

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Parmi les notes olfactives agrestes, on apprécie le romarin, Rosmarinus officinalis, dont les rameaux fleuris sont extrêmement parfumés. Son odeur fraîche, aromatique, camphrée et boisée est souvent utilisée dans les eaux de toilette pour homme. La lavande vraie, Lavandula augustifolia, est connue depuis l’Antiquité pour ses vertus médicinales. Un hybride a été créé pour la parfumerie, le lavandin, Lavandula x intermedia, un hybride naturel entre la lavande vraie et la lavande aspic, qui peut produire plus de 100kg d’huile essentielle par hectare.

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Au 19e siècle, la fleur de violette, Viola odorata, couvrait jusqu’à 1000 ha entre Vence et Tourette-sur-Loup qui est d’ailleurs devenue la capitale régionale de la violette. La fleur n’est plus utilisée en parfumerie mais ce sont les feuilles qui produisent aujourd’hui une fragrance herbacée verte que l’on devine dans le parfum ‘Alaïa Paris’ d’Azzedine Alaïa.

Du latin «salvare» qui signifie sauver, la sauge officinale, Salvia officinalis, possède de nombreuses propriétés médicinales. Toute la plante est puissamment aromatique et d’une saveur chaude, un peu amère. Les fleurs du faux immortelle, Helichrysum italicum, dégagent une forte odeur de curry que l’on l’utilise avec parcimonie, notamment en complément des notes fruitées. Elle se devine dans les parfums ‘L. de Lolita Lempicka’ et ‘L’âme d’un héros’ de Guerlain.

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La rose de mai

La rose de mai, Rosa centifolia, est un rosier botanique hybride qui a hérité du parfum de ses ancêtres, la rose gallique, Rosa gallica, la rose musquée, Rosa moschata, la rose de Damas, Rosa damascena et l’églantine Rosa canina. La rose de mai aurait conquis les parcelles grassoises à partir de 1895 grâce au rosiériste Nabonnand.

Les fleurs possèdent une odeur riche et sucrée, profondément rosée et très tenace. La récolte a lieu exclusivement en mai. Elle s’élève à près de 40 tonnes chaque année à Grasse. On la retrouve dans les parfums les plus célèbres, ‘L’Air du Temps’ de Nina Ricci, ‘Paris’ d’Yves Saint Laurent, ‘Miss Dior’ de Christian Dior et ‘N°5’ de Chanel.

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Le jasmin, une note de coeur

Le nom du jasmin, Jasminum grandiflorum, provient du mot arabe «Yasmin» qui signifie fleur blanche. Il se récolte de fin juillet à octobre, dès l’aube. En 1860, on commence à cultiver le jasmin en plein champ. Grasse va dès lors posséder le monopole mondial de la production de jasmin destiné à la parfumerie pendant un siècle et demi avec une production annuelle de 1500 tonnes de fleurs entre les deux guerres. L’odeur de l’absolue de jasmin est fraîche, fleurie, chaude et très riche. L’accord floral jasmin-rose est la note de coeur la plus employée dans la création de parfums haut de gamme. Elle nous fait tourner la tête dans ‘N°5’ de Chanel, ‘Eternity’ de Calvin Klein ou encore ‘Amarige’ de Givenchy.

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Le parfum puissant de la tubéreuse

La tubéreuse, Polianthes tuberosa, offre l’un des parfums les plus puissants et les plus chers du monde végétal. Son odeur est capiteuse, dotée d’un bouquet floral très riche, parfois un peu épicée et très tenace. Elle est introduite à Grasse en 1632 où sa puissance olfactive séduit les gantiers qui travaillent les cuirs parfumés. La tubéreuse ne fleurit qu’une seule fois en été. Son bulbe est replanté chaque année dans un terrain vierge après avoir passé l’hiver à l’abri. Très utilisée dans les parfums du début du 20e siècle, elle fut délaissée jusqu’aux années 1970 puis remise à l’honneur.

Jardins Musée International de la Parfumerie

Carnet de route

  • Jardins du Musée International de la Parfumerie. Chemin des Gourettes 979 à 06370 Mouans-Sartoux. www.museesdegrasse.com
  • Musée International de la Parfumerie. Boulevard du Jeu de Ballon 2 à 06130 Grasse. www.museesdegrasse.com
  • Domaine de Manon, producteurs de plantes à parfum. Chemin du Servan 36, Plascassier village à 06130 Grasse. www.le-domaine-de-manon.com
  • Bastide Isnard, visite du jardin de plantes à parfum. Chemin de Saint-Christophe 66 à 06130 Grasse. www.isnardgrasse.com
  • Musée de la Bastide aux violettes. Quartier de La Ferrage à 06140 Tourettes-sur-Loup. www.tourettessurloup.com
  • Parfumerie Fragonard, usine historique dans le centre de Grasse. Boulevard Fragonard 20 à 06130 Grasse. www.fragonard.com

Plus d’infos: www.cotedazur-tourisme.com et https://tourisme.paysdegrasse.fr/  et http://savoirfaireparfum.paysdegrasse.fr/fr et www.grasse.fr

Crédit photos Agnès Pirlot, Musée International de la Parfumerie, Parfumerie Gallimard, Pellerin, Carlo Barbiero, Audrey Gallina, Fred Devesa, Alain Issock, Claude Monin

Reportage publié en 2017 dans Eden (www.edenmagazine.be)

Pour découvrir mon reportage sur la route des Parfums en Pays de Grasse et sur la Confiserie Florian à Grasse, rendez-vous dans la rubrique Voyages, Europe, et sur les jardins du Domaine de la Mouissone à Grasse, le Domaine du Rayol, le Jardin botanique de Gassin et d’autres jardins, rendez-vous dans la rubrique Jardins, France du Sud, ou cliquez sur les liens.

 

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