Niché au creux d’un amphithéâtre chaud et humide, le Val Rahmeh est un jardin botanique qui offre un mélange troublant d’exotisme et d’élégance.
Sir Percy Radcliff au Val Rahmeh
Rahmeh est un nom d’origine arabo-persan qui signifie tranquillité. C’était le prénom de l’épouse de Sir Percy Radcliffe, général de l’armée britannique et ancien gouverneur de l’île de Malte. En 1905, au soir d’une carrière au service de l’Empire, cet aristocrate acquiert une propriété à Menton, près de la frontière italienne. La villa est baptisée Val Rahmeh.
Une grille en fer forgé surmontée de belles initiales et de la date de 1875 rappelle l’année de construction de la villa par une honorable famille de la noblesse mentonnaise. La mode est aux jardins exotiques et Radcliffe plante une superbe allée de palmiers dattiers des Canaries, Phoenix canariensis, au port élancé et au gracieux panache.
Son ami Ferdinand Bac, l’auteur du parc des Colombières tout proche, redessine son jardin. Homme de lettres, caricaturiste, artiste et voyageur fou d’Italie, ce paysagiste de la Belle Epoque entoure la demeure d’oliviers, de cyprès florentin, de citronniers et de mandariniers. L’ocre des façades, les pergolas, les escaliers de pierre et les balcons rythmés d’arcades donnent un style italo-provençal à la villa.
May Campbell, aristocrate anglaise
Le domaine du Val Rahmeh est vendu en 1934. Les propriétaires se succèdent jusqu’à l’arrivée en 1957 de miss Campbell. Aristocrate anglaise, fortunée et excentrique, May Sherwood Campbell (1900-1982) est célibataire. C’est la fille d’un médecin de la colonie britannique installé à Menton. Mademoiselle comme on l’appelle est d’une grande beauté. Son teint clair est rehaussé par des robes rose fuchsia ou bleu azur avec des chapeaux et des châles assortis. Chanteuse lyrique de talents, c’est aussi une pianiste expérimentée.
May Campbell a près de soixante ans lorsqu’elle s’installe avec ses chats au Val Rahmeh. Botaniste de formation et passionnée de plantes, c’est elle qui donne au jardin son orientation botanique. Conservant quelques magnifiques oliviers centenaires toujours en place, May Campbell fait du jardin en lieu d’exception.
Dans cet amphithéâtre montagneux, chaud, humide, ensoleillé et bien abrité du vent, elle se livre à une véritable frénésie de plantations d’essences tropicales et subtropicales. Entretenu par quatre jardiniers, son domaine va ressembler à une jungle qui s’enrichit d’espèces venues de partout, d’Australie et des îles du Pacifique, d’Afrique et de Madagascar, de Chine, de l’Inde et du Japon, du Mexique et d’Amérique du Sud.
Une végétation exubérante
Sillonné de chemins qui s’entrecroisent, le jardin d’à peine un hectare et demi se dévoile un peu à la façon d’un labyrinthe. On perd ses repères dans cette végétation colorée et foisonnante qui crée autant de paysages insolites et surprenants.
Les terrasses de Val Rahmeh embaument du parfum capiteux et enivrant des daturas, Brungmansia x candida, que May affectionnait particulièrement. Les agaves sont superbes tout comme les hibiscus et les bougainvillées chargés de fleurs. Plus loin se dresse un topiaire de cyprès touffu taillé en vague, Cupressus dupreziana, encadrant des vases en terre cuite.
Dans ce jardin d’acclimatation, on compte 1700 taxons en culture, dont une dizaine d’espèces exceptionnelles ou rares tels le châtaignier d’Australie Castanospermum australe, le palmier de Formose Arenga engleri, le Cassia leptophylla à fleurs jaunes, le bambou géant Dendrocalamus asper, le figuier des pagodes Ficus religiosa, le Methysticodendron amesianum aux fleurs blanches en trompettes, la cannelle de Magelan Drimys winteri et l’Heliconia latispatha aux magnifiques bractées en forme de pinces de crabe rouges.
Val Rahmeh protège avec bonheur le cyprès de Tassili, Cupressus dupreziana, originaire d’Algérie et en voie de disparition. A l’abri de la canopée, le Sophora toromiro est l’un des arbres les plus rares de la planète. Il peuplait jadis l’île de Pâques et il a survécu grâce à l’obstination de quelques botanistes passionnés. Le climat de Menton semble lui convenir parfaitement et on le retrouve ainsi dans différents jardins de la région, notamment à Serre de la Madone.
Une pièce d’eau dans le terrain du bas est aujourd’hui agrémentée de papyrus d’Egypte, Cyperus papyrus, de lotus des Indes, Nelumbo nucifera, de jacinthes d’eau, des grandes feuilles de Victoria regia et autres nymphéas.
Belle Epoque à Menton
De juin à septembre, Miss Campbell quittait le Val Rahmeh au moment des fortes chaleurs pour se rendre dans une de ses résidences en Grande-Bretagne ou en Suisse. A Menton, le temps s’écoulait entre fêtes et réceptions. Le nombreux personnel, la bibliothèque et les généreuses pièces ajoutées à la maison, l’achat d’un nouveau morceau de terrain au sud et les achats de plantes ont raison de sa fortune en une dizaine d’années.
Museum d’histoire naturelle
En 1966, miss Campbell décide de vendre le Val Rahmeh et propose le domaine au Museum national d’histoire naturelle en posant comme condition que son jardin acquiert le statut de jardin botanique. C’est la fin d’une époque dont on peut encore humer ici le parfum et l’élégance. Val Rahmeh a aujourd’hui une vocation scientifique et pédagogique mais le domaine a su garder son charme et ses mystères. Sa beauté est peut-être plus grande qu’elle n’a été par le passé.
Jardin botanique exotique du Val Rahmeh, avenue Saint-Jacques à Menton Garavan. Museum national d’Histoire naturelle, https://www.menton.fr/Jardin-du-Val-Rahmeh.html et https://www.mnhn.fr/fr/visitez/lieux/jardin-botanique-val-rahmeh-menton
A lire: Val Rahmeh, Bernard Coutin, Gallimard
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Quelle merveille!!!, dommage Le Jardin est infesté de moustiques