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la passion du voyage et des jardins.

Peuplé d’oeuvres d’art et d’arbres remarquables, le parc paysager de Mariemont est l’un des plus beaux de Wallonie.

 

Domaine de chasse de Marie de Hongrie, XVIe siècle

Mariemont, littéralement ‘Mont de Marie’, se situait sur l’ancienne voie romaine qui reliait Cologne à Bavay. Le domaine doit son nom à l’Archiduchesse d’Autriche et gouvernante générale des Pays-Bas Marie de Hongrie, soeur de Charles Quint. Le domaine de Mariemont accueille Charles Quint qui séjourne dans le gros donjon carré situé sur le point le plus élevé de la forêt.  Au 16e siècle, le domaine comprend un vaste parc boisé entouré de garennes et de viviers, de potagers, de vergers et de vignobles. Le splendide jardin en terrasses clos de murs présentait des carreaux d’utilité et d’agrément comme dans les jardins du Moyen-Age ainsi qu’un un bel escalier et une fontaine de style Renaissance inspirés des jardins italiens.

Vue du Château de Mariemont, 1612, Jan Breughel le Jeune

Résidence d’Albert et Isabelle, XVIIe siècle

Les archiducs Albert et Isabelle en font une résidence royale. Ils agrandissent le château et l’entourent de fastueux jardins sur le modèle de ceux d’Aranjuez qui avaient enchanté l’enfance d’Isabelle, fille du roi d’Espagne Philippe II. Les jardins d’Aranjuez avaient été tracés par des jardiniers français venus des Pays-Bas avec de grands axes marqués par des allées d’arbres et un grand nombre d’ornements décoratifs en pierre ramenés d’Italie. De nombreux artistes comme Breughel le Jeune, Van Alsloot et Rubens vont représenter le château de Mariemont et les jardins dans leurs oeuvres.

Château de Mariemont de Charles de Lorraine, 1773

Palais de Charles de Lorraine, XVIIIe siècle

En 1668, Louis XIV s’empare du domaine qu’il intègre parmi ses maisons royales. Nommé gouverneur des Pays-Bas, le Prince Charles de Lorraine construit au 18e siècle une nouvelle demeure, un véritable petit Schönbrunn rigoureusement classique à l’emplacement du vieux donjon d’Albert et Isabelle. La façade du palais s’ouvre sur de nouveaux jardins en terrasses animés de parterres en bordures de buis, de fontaines et d’orangers en pot. Pillé et incendié par les révolutionnaires français en 1794, le château est détruit, le domaine dépecé et vendu. De la résidence princière, il ne reste que des ruines romantiques, des soubassements du palais et l’élévation des ailes couvertes de lierre et de vigne-vierge dans une oasis de verdure.

Ruines du Palais de Charles de Lorraine

Nicolas Warocqué (1773-1838)

Nicolas Warocqué est le premier représentant de la bourgeoisie industrielle qui succède aux gouverneurs de l’ancien régime. Fondateur avec son frère Isidore et trois autres actionnaires de la Société minière du Parc de Mariemont, il engendrera une nouvelle dynastie bourgeoise dont les quatre générations qui vont se succéder à Mariemont. En 1829, Nicolas Warocqué achète pour le compte de sa société les 427 hectares de la forêt de Mariemont et se réserve une trentaine d’hectares pour son usage personnel. C’est là qu‘il fait bâtir un château néo-classique que ses descendants agrandiront de deux ailes.

Château Warocqué, 1870
Château Mariemont Warocqué

Le parc de Mariemont

Entièrement clos de murs, le parc de Mariemont s’étend aujourd’hui sur près de 45 hectares. Le parc de style paysager se présente à peu de choses près tel qu’il a été dessiné en 1832 par Charles-Henri Petersen, l’un des meilleurs architectes paysagistes de sa génération. L’entrée principale est flanquée de deux pavillons néo-classiques du 19e siècle servant de conciergerie. Une allée majestueuse, la drève de Mariemont, le précède. Longue d’un kilomètre, elle est bordée d’un quadruple rang de hêtres.

Conçu sur le modèle des jardins paysagers du 19e siècle, le parc de Mariemont met en valeur le caractère boisé du site et ses vallonnements naturels. Il offre par les lignes courbes de ses chemins, par le jeu des dénivelés des pelouses et des massifs d’arbres et d’arbustes, par ses percées sur l’une ou l’autre fabrique et ses pièces d’eau, un magnifique exemple de jardin à l’anglaise.

Abel Warocqué (1803-1864)

Maître des charbonnages, Abel Warocqué succède à son père. Bourgmestre de Morlanwelz de 1836 à 1864, il y fait construire une église et fonde une école communale gratuite. Il agrandi le domaine avec une parcelle de 8 hectares où se trouvent les ruines du château de Charles de Lorraine aujourd’hui à l’abandon.

Le Jardin d’hiver

A partir de 1856, Abel Warocqué construit un jardin d’hiver qui rappelle l’orangerie du 18e siècle annexée au palais de Charles de Lorraine. Cette orangerie orientée plein sud développe neuf hautes arcades en plein cintre fermées par des verrières à châssis métalliques. Elle était couverte à l’origine d’une verrière en berceau sur armature métallique, remplacée aujourd’hui par une toiture de zinc.

Jardin d’hiver de Mariemont

L’imposant escalier de pierre est fermé par une grille monumentale en fer forgé de 1875. Elle provient du château de la Roche à Suarlée et a été placée par Raoul Warocqué.

Au centre de la terrasse se dresse un vase en marbre sculpté d’une bacchanale par G. Devreese.

Perpendiculairement à la façade du jardin d’hiver se dressaient quatre serres métalliques à section ogivale destinées à la culture de camélias, d’azalées et d’orchidées. Celles-ci ont disparu et il ne reste que deux serres fort délabrées adossées aux murs de soutènement de la terrasse du jardin d’hiver.

 

Au pied des marches trônent deux lions. L’un porte le nom ‘Cantinprez‘ et l’autre la devise ‘Sine Deo Nihil’, Rien sans Dieu.

Devant la façade du jardin d’hiver sont posés quatre superbes canons français en bronze du 18e siècle.

Arthur Warocqué (1835-1880)

Industriel, collectionneur et philanthrope, Arthur Warocqué est doté d’un tempérament d’artiste et dessine avec talent et grave des lithographies. Il poursuit l’oeuvre de son père après le décès de son frère Léon en 1868. Soucieux de mettre en valeur l’histoire du domaine, il commande à Aubusson des tapisseries représentant le château de Mariemont sous Louis XIV et à l’époque de Charles de Lorraine. Passionné d’horticulture, Arthur Warocqué est administrateur du Jardin botanique de Bruxelles et de la Société Royale de Flore. Il entretient de très bons rapports avec le roi Léopold II à qui il envoie des pêches et des raisins récoltés dans ses serres. Il décède en laissant deux fils, Georges et Raoul.

Georges Warocqué (1860-1899)

Après une courte carrière militaire, Georges Warocqué reprend la succession de son père dans les affaires et la politique. Georges Warocqué est passionné d’orchidées et devient président en 1888 de l’Orchidéenne, société d’amateurs d’orchidées créée par Lucien Linden. Il reçoit de nombreux prix pour sa collection d’orchidées qui devient célèbre dans le monde entier. Joueur et libertin, Georges Warocqué dilapide la fortune familiale non seulement dans ses achats d’orchidées à des prix exorbitants mais également aux casinos, aux courses hippiques, à la chasse et dans les soirées trop arrosées. Son frère Raoul lui succèdera en lui rachetant ses biens, dont le domaine de Mariemont, pour payer ses créanciers.

Collection d’orchidées à Mariemont

Raoul Warocqué (1870-1917)

Dernier de sa lignée, Raoul Warocqué devient, grâce à son génie des affaires, un des hommes les plus riches de son temps. Industriel, homme politique, diplomate à ses heures et philanthrope, Raoul Warocqué est aussi un homme de coeur qui finance la construction d’équipements sociaux et d’établissements d’enseignement. La fortune colossale de Raoul Warocqué, son énergie, sa passion pour l’archéologie et son amour pour les beaux objets le poussent à rassembler une étonnante collection d’oeuvres d’art. Le château est agrandi de deux ailes pour accueillir ses collections d’antiquités provenant de Chine, de Grèce, de Rome et d’Egypte ou encore d’horizon moins lointains comme de la porcelaine de Tournai.

Raoul Warocqué, J. Crans, 1908, Musée Royal de Mariemont

Le domaine de Mariemont s’agrandit encore. On construit de nouvelles serres pour les orchidées et les plantes exotiques, les vignes et les pêchers. Raoul Warocqué complète les plantations du parc de nouvelles essences rares. Il peuple son domaine d’animaux exotiques ou de nos régions, chevreuils, kangourous, ibis, poules sultanes, grues de Paradis, autruches, cygnes et paons dont l’espèce a perduré et qui sont devenus l’emblème de Mariemont.

L’arboretum de Mariemont

Le parc de Mariemont compte aujourd’hui la plus importante collection dendrologique du Hainaut. On y trouve plus de deux mille espèces et variétés végétales. Le fond des massifs de frondaison est constitué des châtaigniers, des chênes pédonculés, des tilleuls, frênes, ormes et érables et des hêtres pourpres, laciniés et pleureurs vieux de plus de deux cent ans.

Cedrus libani

Dans ce décor savamment disposé, l’architecte paysagiste Fuchs a introduit de nombreuses essences exotiques réparties de manière à renouveler sans cesse l’intérêt du promeneur. On lui doit la plantation des araucarias, Araucaria araucana, des cèdres du Liban, Cedrus libani, cèdre de l’Himalaya, Cedrus deodara et cèdre de l’Atlas, Cedrus atlantica, ginkgos, Ginkgo biloba, tulipiers de Virginie, Liriodendron tulipifera, et séquoias géants, Sequoiadendron giganteum.

Sequoiadendron giganteum

Une trentaine d’arbres sont classés parmi les plus gros spécimens de leur espèce ou variété conservés en Belgique dont un Pterocarya fraxinifolia situé près du Mausolée. Introduit vers 1855, le pommier de l’Amour, Phellodendron armurense Rupr, est sans doute le plus gros spécimen d’Europe.

Phellodendron amurense

Parmi les arbres exceptionnels, on peut citer un Parrotia persica, un magnifique chêne hybride, Quercus x rosacea Bechtst, le plus gros chêne du parc. Proche des étangs de l’entrée principale du parc, on découvre un imposant châtaignier, Castanea sativa Mill. probablement planté au 18e siècle. Une dizaine d’espèces et plusieurs hybrides et cultivars de magnolias ornent le parc dont un Magnolia acuminata d’une circonférence de plus de trois mètres.

Quercus robur

L’arbre le plus connu du parc est un érable sycomore à feuilles pourpres, Acer pseudoplatanus ‘Atropurpureum’. Isolé dans la grande pelouse et aujourd’hui protégé par une barrière, il est remarquable par sa forme en cépée tout à fait exceptionnelle.

Acer pseudoplatanus ‘Atropurpureum’

Si le parc décline mille nuances de verts, il y a peu de fleurs si ce n’est une grande roseraie qui a été peu à peu transformée en un massif floral peuplé de plantes vivaces.

 

Un musée en plein air

Attiré par la culture asiatique, Raoul Warocqué regroupe dans le parc quelques bronzes achetés vers 1910 lors d’un voyage au Japon.

Bouddha de Mariemont

Le Bouddha monumental de près de quatre mètres de haut est une copie de celui de Kamakura. Assis sur un trône de lotus et nimbé d’une large auréole, le Bouddha Amida repose sur un haut socle de pierre au milieu d’un massif d’azalées. Le Bouddha rassemble chaque année les bouddhistes de Belgique pour une journée de prière et de méditation. Il est accompagné de quatre lanternes de bronze.

Deux paires de vases monumentaux en pierre encadrent les extrémités de l’ancienne allée d’honneur qui conduit aujourd’hui au musée.

Longeant les pièces d’eau, on découvre dans une petite clairière la Fontaine aux Lions, copie en plomb de la fontaine de l’Alhambra de Grenade datant de 1377. Cette copie figurait dans le pavillon espagnol de l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1910 et a été acquise par Raoul Warocqué en 1913.

Fontaine aux Lions Mariemont

Raoul Warocqué agrémente son parc de nombreuses oeuvres contemporaines avec des sculptures de Jef Lambeaux, son sculpteur de prédilection. Face aux étangs, on découvre ‘Le Triomphe de la Femme’, acheté en 1900, représentant un satyre assaillant une nymphe.

‘Le Triomphe de la Femme’ par Jef Lambeaux

La pièce maîtresse de cette collection est l’un des quatre groupes authentiques des ‘Bourgeois de Calais’ sculptés par Auguste Rodin. Elle est placée sur un haut socle de pierre bleue dans la cour de l’ancien château des Archiducs.

‘Les Bourgeois de Calais’ d’Auguste Rodin

Non loin se dresse la sculpture ‘Vers la Vie’ de Victor Rousseau.

‘Vers la Vie’ de Victor Rousseau

L’entrée de la roseraie est gardée par la statue du ‘Semeur’ de Constantin Meunier. Elle fut offerte en 1914 à Raoul Warocqué comme oeuvre d’art phare de l’art du chef de file du courant réaliste en Belgique. Elle est la réplique d’une statue érigée dans le Jardin Botanique de Bruxelles en 1894.

‘Semeur’ de Constantin Meunier

Le Musée de Mariemont

Avant son décès en 1917 et n’ayant pas de descendance, Raoul Warocqué lègue à l’Etat belge son domaine et ses collections à condition que ceux-ci soient gratuitement ouverts au public après sa mort. Le mausolée de la famille Warocqué initialement établi dans le cimentière de Morlanwelz est transféré en 1923 dans le parc, conformément au souhait du défunt.

Mausolée Warocqué

Une partie du parc, l’ancien potager, les serres et le jardin d’hiver, est réservée à l‘Ecole Provinciale d’Horticulture.

Mariemont Ecole Provinciale d’Horticulture

En 1960, un incendie ravage presque entièrement le château du 19e siècle. Seules subsistent les ailes construites ultérieurement. Les collections qui se trouvaient dans les annexes sont retrouvées presque indemnes. La dernière annexe édifiée par la famille Warocqué a été conservée et assimilée à la composition du nouveau musée.

Musée de Mariemont

Une architecture oeuvre d’art

Le château va être remplacé par un bâtiment résolument contemporain dessiné par l’architecte Roger Bastin, l’un des meilleurs plasticiens belges de l’architecture à cette époque. Lumière, espace et modularité, le Musée Royal de Mariemont est conçu comme un monument qui fait corps avec le parc et est collé aux pelouses et aux arbres.

Musée de Mariemont

Ses lignes épurées, l’association des murs de béton et de silex aux surfaces vitrées permettent de vastes ouvertures vers l’extérieur.

Musée de Mariemont

Inauguré en 1975, le musée est alors l’un des plus modernes d’Europe mettant admirablement en valeur les trésors rassemblés par Raoul Warocqué.

Musée Royal de Mariemont

Classé «site exceptionnel et « Jardin Remarquable de Wallonie »,le parc de Mariemont est ouvert tous les jours et le musée est ouvert du mardi au dimanche. Chaussée de Mariemont 100 à Morlanwelz, entre Mons et Charleroi, Belgique.  http://www.musee-mariemont.be/  et  https://www.pajawa.be/fr/parcs-et-jardins/parc-de-mariemont  et  http://www.crie-mariemont.be/fr/le-parc/

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