20 ans de journalisme,
la passion du voyage et des jardins.

Photographe de coeur, Jean-Pierre Thys connaît tous les chemins, les bois et les champs de Lasne qu’il immortalise au fil de ses promenades.

 

Avant l’aube

5 heures du matin. Jean-Pierre Thys prend un solide petit déjeuner. Le village de Plancenoit dort encore quand il chausse ses bottines de marche. L’aube est proche et c’est le moment que Jean-Pierre préfère pour capturer les premiers rayons du soleil qui caressent les vieilles fermes et le léger vallonnement des champs et des bois de Lasne, en Brabant Wallon.

«Quel bonheur de se promener en Brabant Wallon, entre la courbe des collines et les méandres des rivières! Entre les cheminées fumantes et la flèche aiguë des clochers. Entre les poulains aux pattes grêles et les fermes ventrues. Voilà que la respiration se calme, le coeur s’apaise. Un oiseau oublié prend son envol au plus secret de l’âme. Décidément, ce pays est à la mesure du pas tranquille de l’homme en quête de sérénité.» (Chantal Blanchard-Verbiest)

L’entité de Lasne regroupe les anciennes communes de Lasne-Chapelle-Saint-Lambert, Couture-Saint-Germain, Maransart, Ohain et Plancenoit. Plus de la moitié du territoire est réservée à l’agriculture, aux zones vertes et forestières. La région qui se situe à trente minutes à peine du sud de Bruxelles est un paradis pour les promeneurs qui peuvent suivre des sentiers balisés par l’association Lasne Nature.

A la retraite depuis cinq ans mais le pied solide, Jean-Pierre se balade avec ses appareils reflex depuis 1986. Son sac à dos qu’il trimbale au fil de ses promenades pèse près de dix kilos! Il transporte ses deux boîtiers et ses objectifs, un zoom 17-70 très lumineux, un autre 100-400 pour les photographies d’oiseaux et un objectif fixe macro pour les fleurs. Il travaille toujours en Camera Raw ce qui lui permet de retoucher ses photos sans altérer l’image.

Le champ de bataille 1815

La Place de Plancenoit séduit par son atmosphère villageoise. Le jour se lève, l’éclairage dessine la silhouette de son église construite au milieu du 19e siècle dans le style néo-gothique. C’est sur les hauteurs de Plancenoit en fin d’après midi le 18 juin 1815 que l’armée prussienne renversa le cours de la bataille de Waterloo pour offrir la victoire aux forces alliées.

Au début du chemin de Camuselle qui traverse les champs de Plancenoit à Fichermont se dresse le Monument des Prussiens tués lors des combats de 1815. Sur les hauteurs de Belle Alliance on admire deux autres monuments, l’Aigle Blessé et la colonne Victor Hugo.

Agréablement vallonnée «comme une onde qui bout dans une urne trop pleine», l’entité de Lasne borde le site du champ de bataille de Waterloo. Sur les hauteurs de La Marache, du sommet de la rue Babeau, ou le long de chemin de Camuselle, on aperçoit au loin la butte du lion rugissant vers la France. C’est par le village de Chapelle que passa le 18 juin 1815 l’armée prussienne de Blücher qui venait de Wavre. Des éclaireurs français les ont surpris au Bois Paris où fut tué le comte von Schwerin qui commandait l’avant-garde. (voir mon reportage sur le site de Waterloo 1815)

 

Entre vals et mamelons

«Pour découvrir la région d’Ohain, il faut de bons mollets et savoir épouser avec lenteur des chemins qu’inspirent des raisons que la raison ignore: on file à gauche pour gagner la droite, dans ce pays pelotonné entre vals et mamelons, champs et boqueteaux… Oui, de bons mollets et l’amour de la courbe. Grâce à quoi, on peut enfoncer ses talons dans ce sable marin ressurgi après des millénaires au sommet d’une colline ou patauger dans la boue d’un fond où suinte le limon de la Soignes.» (Jacques Biebuyck)

Si Ohain est devenu une commune résidentielle, sa place arborée est l’une des plus belles de Belgique. Tout autour, rien ne manque, la maison communale, l’école, de petites maisons basses, le kiosque à musique et l’ancien château. C’est là que résidait Jean Hinckaert, seigneur d’Ohain, un gentilhomme qui trempa dans une conspiration contre le duc d’Albe.

De la place d’Ohain, une ruelle pavée d’un autre âge conduit à l’église Saint-Etienne dont la tour massive, dite tour sarrasine, remonte à l’époque romane. La nef date du 18e siècle tout comme le bénitier et les fonds baptismaux en pierre bleue. On admire aussi le magnifique buffet d’orgue du début du 19e siècle et l’ensemble du mobilier de style Louis XV de l’époque, remarquable pour une église d’un petit village. (voir mon reportage sur l’exposition de crèches à l’Eglise d’Ohain)

Suivre les sillons

«La vocation agricole du Brabant Wallon crève les yeux. Au début de l’été, les coteaux croulent sous leur charge de blé. A côté des alignements sages des betteraves et des pommes de terre s’étendent les jaunes glorieux des champs de colza et le bleu subtil des champs de lin surgis de l’oubli.» (Chantal Blanchard-Verbiest)

Avec ses grandes fermes Hannotelet, du Croissant et d’Hubermont, le village de Maransart est essentiellement rural.

De l’autre côté de la vallée, la rue d’Anogrune conduit à Plancenoit. Dans la rue du Bois Impérial, un moulin dit Mathijs fonctionnait encore au milieu du siècle passé. Un autre moulin se trouvait à Ohain, rue du Moulin, dans la vallée du Smohain. Déjà mentionné au 13e siècle comme propriété du Duc de Brabant, c’était le plus ancien moulin de toute la région. Il a fonctionné jusqu’au milieu des années cinquante.

Plantées aux carrefours, adossées aux pignons des fermes ou figées dans la campagne comme des ombres du passé, les petites chapelles ou potales jalonnent les vieux chemins. L’une des plus belles se trouve près de la ferme Chantelet, à la lisière de Vieux Genappe. C’est ici que le maréchal Ney passa la nuit du 17 au 18 juin 1815, la veille de la bataille de Waterloo.

Un chapelet d’étangs

«Le Brabant Wallon est un immense ruissellement. Bruits de sources, de fontaines, de torrents malicieux, bruits perpétuels des galoches dans les flaques, clapotis des canards qui s’ébrouent, pluies rageuses, petits crachins, ciels d’orage. Ici tout change et tout s’écoule, interminablement. Le Brabant Wallon est un archipel qui dérive dans un océan de rys, de ruisseaux et de rivières.» (Chantal Blanchard-Verbiest)

La Lasne, affluent de la Dyle, est la rivière principale qui traverse la commune. Elle prend sa source à Plancenoit, coule vers Maransart, Couture-Saint-Germain et arrose Lasne-Chapelle-Saint-Lambert. Son nom d’origine celtique signifie «rivière aux eaux calmes». La Lasne est alimentée par de multiples ruisseaux aux noms poétiques, l’Argentine, la Claudine, la Mazerine, le ru Milhoux ou le Smohain.

 

Dans le bas du plateau limoneux de Maransart, la Lasne forme plusieurs étangs qui attirent les pêcheurs.

Le Smohain prend sa source au hameau de La Marache puis il se faufile dans le creux de la vallée bordé par de vieux saules têtards. C’est peut être un des paysages les plus bucoliques de la région.

Une abbaye cistercienne

«Aywiers, où le gazon frémit sur des sources et des saints…» L’abbaye d’Aywiers raconte l’histoire des moniales cisterciennes qui y vécurent durant six siècles. Les étangs d’Aywiers sont alimentés par des sources, les awirs, qui ont donné leur nom à l’abbaye. Le petit château, toujours habité, fut longtemps la demeure des directeurs spirituels de l’abbaye. Le parc alangui sur les basses terres de la Lasne est accessible deux fois par an, lors des Fêtes des Plantes et du Jardin.

Dominant la vallée de la Lasne, Couture-Saint-Germain est le village d’enfance de Désiré Denuit, le chantre du pays. «Les artistes aiment la peindre lorsque le dur soleil de juillet l’embrase ainsi que son cimetière aux murs blancs. Mais c’est surtout parce qu’elle est le centre d’un site ravissant. Dominant la vallée verdoyante de la Lasne, rassemblant autour d’elle les maisons de la paroisse, elle est accueillante avec son modeste portail où mène une volée de marches. On monte à l’église comme dans un refuge.» (Désiré Denuit)

A droite de l’église de Couture, un sentier mène à la fontaine Saint-Germain réputée miraculeuse depuis de nombreux siècles. «Un vieux pli de terre. On avance, les blés à hauteur du visage. Les champs légèrement bombés, des bois gonflés en douces poitrines, des renflements usés. Un entrelac de courbes longues. Des verts, des bleus pastellisés: des tons veloutés par la chaude humidité du val. Qu’il est féminin, ce Brabant! Tout y est ouvert et secret.» (Jacques Biebuyck) (voir mon reportage sur les Chapelles, Croix et Potales de Lasne)

La réserve du ru Milhoux

La réserve du ru Milhoux est en zone Natura 2000. Cette zone d’intérêt biologique gérée par l’asbl Lasne Nature accueille une faune et une flore typique des lieux humides de la région: roseaux communs, Phragmite australis, massettes à larges feuilles, Typha latifolia, grandes laîches des marais, Carex acutiformis, aulnes glutineux, Alnus glutinosa, saules blancs, Salix alba et saules marsault, Salix caprea. Ces milieux humides attirent différents oiseaux comme le héron cendré, les canards colvert et mandarin, la poule d’eau, le râle d’eau et différentes espèces de mésanges ainsi que de nombreux batraciens.

Dans les prairies du creux de la vallée, la Lasne dessine des méandres bordés de peupliers frémissants. C’est dans ces prés humides, aux pieds de La Franche Taverne, que viennent se reposer les oies bernaches. Plus loin, avant d’arriver dans le village de Lasne, on arrive aux étangs Pastuur. Avec un peu de chance, on aperçoit la grande aigrette, le grèbe hupée ou le grand cormoran, oiseau migrateur, excellent pêcheur et remarquable plongeur qui hiverne dans nos régions.

La rivière quitte le village de Lasne dominé par la ferme de la Kelle. Solidement ancré sur une butte, son origine remonte au 16e siècle. Il y avait jadis un château fort au pied de cette grosse ferme, près de la rivière, mais il a complètement disparu. La rivière continue son chemin vers Chapelle-Saint-Lambert. Avant de quitter le territoire de Lasne, elle forme dans le bas de la vallée un ensemble de marais. Ces zones marécageuses abritent des colonies de castors qui ont remonté le cours de la Dyle. Plus loin, la Lasne dessine un étang au bord duquel a été créé la plage de Renipont, une piscine naturelle alimentée par une source.

A travers bois

Le Bois de Couture est le bois le plus important de l’entité de Lasne. Le versant sud est occupé par des plantations de pins sylvestres et noirs ainsi que des bouleaux et des hêtres séculaires. Des landes sèches se prolongent en contrebas par une zone humide alimentée par des affleurements de diverses sources. Ici comme au Bois Impérial entre Maransart et Plancenoit ou au Bois de la Hussière à Chapelle-Saint-Lambert, on croise chevreuils et renards et parfois même des hermines.

Dans les champs de Fichermont, ce sont des daims échappés d’un élevage qui se promènent en troupeaux, à la plus grande surprise des promeneurs.

Quelques guides sur Lasne

  • «210 km de promenades balisées à Lasne», carte ING au 1/10000e, éd. Lasne Nature
  • «12 promenades à Lasne», «10 balades inédites à Lasne» et «15 nouvelles promenades à Lasne», Echevinat du tourisme de Lasne et Lasne Nature.
  • «Les rues de Lasne», Louis Evrard, éd. de l’A.R.C. Action Recherche Culturelles.
  • «Le tour de Lasne à pied», Jean-Jo Evrard et Dorothy Schuermans, éd. Le Carré Gomand.
  • «Au fil de la Lasne», Philippe Ullens de Schooten, éd. Lasne Nature
  • «La Vie d’un village», Désiré Denuit, éd. Arts et Voyages
  • «Chapelles Croix et Potales de Lasne», Louis Evrard, Raymond Betz, Agnès Pirlot de Corbion, éd. de l’A.R.C. Action de Recherche Culturelles

Quelques guides sur le Brabant Wallon

  • «Le roman pays de Brabant», Jacques Biebuyck, éd. Paul Legrain.
  • «Brabant wallon au fil des jours et des saisons» éd. de l’A.R.C. Action Recherche Culturelles.
  • «Brabant Wallon, l’arbre et le sillon», Chantal Blanchard-Verbiest, éd. Racine
  • «Le patrimoine monumental de la Belgique», Brabant Nivelles, éd. Soledi

Pour aller plus loin

Crédit photos Jean-Pierre Thys

Rendez-vous dans la rubrique Voyages, Belgique pour découvrir mes reportages sur les Chapelles, Croix et Potales de Lasne, sur les Crèches de l’Eglise d’Ohain, sur l‘Abbaye de Villers-la-Ville, les Balades en Wallonie, la Route Napoléon en Wallonie, le Musée Hergé à Louvain-la-Neuve, la Fondation Folon à La Hulpe, le Mémorial 1815 à Waterloo, Napoléon à Waterloo et l’Histoire de la bataille de Waterloo à travers ses fermes et dans la rubrique Jardins, Belgique, l‘Abbaye d’Aywiers et la Franche Taverne, ou cliquez sur les liens.

 

 

Pin It on Pinterest