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Le jardin de la Villa Gamberaia se dresse sur une crête dominant la vallée de l’Arno. Cette propriété est l’une des plus ravissantes des collines florentines. Elle réunit dans un espace étonnamment réduit tous les agréments traditionnels des jardins italiens.

Un jardin à flanc de colline

Florence a été célébrée à travers les siècles pour ses collines couvertes de villas. Si les circonstances ont fait perdre aux plus célèbres jardins de plaisance florentins leur charme originel, elles ont heureusement préservé un lieu qui garde toujours la merveilleuse saveur du passé. Il s’agit du jardin de la Villa Gamberaia, à Settignano. La beauté du paysage, le panorama sur le dôme de Florence et sur la campagne couverte d’oliviers, l’architecture de la villa et le dessin des chambres de verdure sont justement célèbres et en font l’un des jardins les plus connus d’Italie.

«En aucun autre lieu de ma mémoire, l’élément liquide et l’élément solide ne se sont mêlés avec tant de raffinement en une dimension à la fois humaine et grandiose, sans emphase… On garde une impression durable de sérénité, de dignité et de bien-être…» Ainsi parlait Harold Acton, en 1971, en parlant du jardin de la Villa Gamberaia.

Villa Gamberaia

L’allée de cyprès

A l’entrée sur via del Rossellino, le portail s’ouvre sur une allée de cyprès, Cupressus sempervirens. Celui-ci forme un épais rideau de part et d’autre du chemin conduisant à la villa. Construite vers 1610 dans un style spécifiquement toscan, la demeure est de taille modeste mais pourtant imposante. Elle se dresse sur un grand mur de soubassement, donnant de l’élan et de la monumentalité à l’architecture.

L’édifice se présente comme un parallélépipède régulier allégé par des arcades qui courent à chaque extrémité, reliant d’un côté, la maison à la chapelle, et de l’autre, grâce à un escalier en spirale, la loggia du premier étage au jardin. Tout autour de la villa se trouve un jardin historique qui conserve intact son charme original.

Villa Gamberaia

Un écrin de terrasses

Devant la façade principale orientée à l’ouest vers Florence s’étend une terrasse ombragée par un pin parasol qui encadre la vue sur la vallée. L’esplanade est bornée par un muret que décore une alternance de vases de pierre et de chiens à l’expression solennelle. Juste au dessous, les vignes et les champs s’étendent à proximité de la maison, comme dans toutes les vieilles résidences de la campagne toscane.

A l’arrière de la maison, une haute muraille ornée de statues soutient les jardins des terrasses supérieures. Il est bordé d’une longue allée, dénommée bowling green, qui servait de terrain de jeu de plein air. Celle-ci se termine dans un nymphée creusé dans la colline et entouré de cyprès séculaires. Couvert de galets et de coquillages, c’est un endroit un peu mystérieux où trône une figure de Dionysos flanquée de deux lions.

Un pont en pierre, qui existait déjà au moment de la réalisation du jardin baroque, sert de liaison en enjambant la route. Il s’agit là d’un artifice tout à fait extraordinaire dans l’art du paysage. Sur le côté droit se dressent la chapelle et l’ancienne salle du jeu de paume. A l’autre bout de cette longue allée bordée par une collection de citronniers en pot, on peut contempler le panorama du belvédère fermé par un majestueux pin de Corse, Pinus nigra ssp laricio.

Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia

Le cabinet de rocaille

Suivant l’axe transversal du jardin, on passe du bowling green à l’élément le plus précieux du jardin appelé, d’après les documents, cabinet de rocaille. Cette pièce à ciel ouvert allongée en éllipse date du début du XVIIIe siècle lorsque la propriété fut acquise par la famille Capponi. Ses parois sont entièrement recouvertes de décorations en pierres et galets, avec des niches et des statues en terre cuite, des bas reliefs et fontaines.

Partant d’un pavement de galets multicolores, une double volée d’escaliers à balustres ornée de motifs végétaux mène à une esplanade plantée de cyprès et de chênes vert, Quercus ilex. Ce genre de bois en terrasse est typique des jardins italiens. Ces enclaves ombragées ne sont pas grandes mais les plantations irrégulières réussissent à donner l’impression d’une nature sauvage, avec quelques bancs de pierre disséminés sous les branches touffues du bosquet et des statues, ici ou là, blotties dans de profondes niches de feuillages.

De l’autre côté du jardin de rocaille s’étend le jardin des agrumes fermé par une orangerie. C’est là qu’on enferme en hiver les orangers, les citronniers, les camélias et autres arbustes fragiles, pour les sortir en mai et les placer dans leurs vases de terre cuite sur les dalles de pierre qui bordent les allées de tous les vieux jardins italiens.

Villa Gamberaia

Le jardin d’eau de la princesse Ghyka

Sur l’esplanade ensoleillée au sud de la villa qui domine le panorama, les jardins ont été entièrement repensés et restaurés au début du XXe siècle par Catherine Jeanne Kesko, épouse du Prince Eugène Ghyka, et par son amie américaine, Miss Florence Blood. Catherine était la fille de la Princesse Pulchérie Sturdza et d’un colonel, officier de la garde impériale russe. C’était «une Roumaine narcissique qui vivait mystérieusement énamourée d’elle-même et de son oeuvre interminable, le jardin de la Gamberaia», ainsi que l’écrivit son voisin l’historien d’art américain Bernard Berenson.

Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia

Le plan d’ensemble de cette partie du jardin de la Villa Gamberaia porte l’empreinte d’une nette influence Renaissance. Elle a peu changé depuis la construction de la villa, avec des miroirs d’eau soulignés par des haies de buis et des sentiers de galets bien soignés. Un plan cadastral ancien nous restitue le dessin d’un parterre de broderie. Les quatre divisions du parterre demeurent, mais les pleins et les vides sont inversés et les surfaces des plates-bandes transformées en bassins d’eau. Sur les quatre bassins se reflétaient des bordures de lavande, d’iris, de rosiers tiges et de lauriers-roses. Cette image fleurie nous est transmise par de nombreuses photographies prises juste après la réalisation de cette partie du jardin.

Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia
Villa Gamberaia

Au fil du temps, les bordures de buis, Buxus sempervirens, se sont développées au détriment des fleurs, dessinant les bassins et s’articulant en lignes et surfaces jusqu’à donner forme aux socles des citronniers. La généreuse volumétrie du belvédère de cyprès taillés en arches et des topiaires d’if qui scandent le parterre de leur rythme vertical est considérée aujourd’hui comme une particularité déterminante du jardin, tout comme la silhouette sphérique du Phillyrea latifolia, un arbuste proche de l’olivier, qui représente l’emblème héraldique du jardin, le symbole de l’habilité du jardinier du domaine.

Villa Gamberaia

En 1925, la Villa Gamberaia fut vendue à la Baronne Maud Ledyard von Ketteler. Très endommagé lors de la deuxième guerre mondiale, le domaine était à l’abandon lorsqu’il fut redécouvert en 1952 et restauré par Marcello Marchi. Depuis 1994, Franca, la fille de Marcello, et son époux Luigi Zalum, ont repris la gestion de la propriété. Le domaine est désormais ouvert pour des événements publics ou privés et comme centre d’études pour l’architecture et l’histoire de l’art des jardins.

Villa Gamberaia

Via del Rossellino, 72 à Settignano, Florence. Visite des jardins toute l’année et de la villa pour les groupes sur rendez-vous, sous réserve de fermeture pour des événements privés. Chambres d’hôtes dans la villa et appartements en self catering dans les dépendances. . www.villagamberaia.com.

Reportage publié dans l’Eventail 2016 (www.eventail.be)

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