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la passion du voyage et des jardins.

Situé dans les Hauts de Saint-Denis, le Jardin de Cendrillon est l’un des plus anciens jardins créoles de l’île de la Réunion. Véritable paradis botanique, ce jardin secret exhale mille senteurs, mille fragrances…

Un jardin créole à Saint-Denis

Le Jardin de Cendrillon semble glisser doucement vers l’Océan Indien. Son histoire commence en 1936. A cette époque, on pouvait admirer Saint-Denis depuis La Montagne, c’était un véritable tapis vert. Petit à petit, de modestes maisons sortent de terre sur la colline.

Situé à 430 mètres d’altitude, le quartier de La Montagne se transforme en lieu de «changement d’air» et séduit Emile et Ida Macé, les parents d’Odette, qui achètent un terrain d’un demi hectare très escarpé. Il est couvert de gros blocs de lave, de chocas , de filaos et de graminées. La maison à trois étages sous un toit pentu en bardeau de tamarin est bordée d’une galerie pour voir les étoiles. Il n’y a ni eau ni électricité, mais c’est le paradis.

Cendrillon? «C’est mon père qui lui a donné son nom. On en donnait toujours aux maisons.» Malmenée par des cyclones successifs, la propriété se dégrade peu à peu et finit par être abandonnée. Odette épouse Valère Roche et ils s’installent à La Montagne en 1952. Ils reconstruisent une maison plus modeste et créent un jardin précieux accueillant des plantes venues de tous les horizons, un véritable jardin créole où couleurs et senteurs rivalisent de sensualité.

Jardin de Cendrillon

Un fouillis soigneusement organisé

Entre la route des Palmiers et la varangue, Cendrillon n’offre qu’un jardinet. Coiffé d’un large chapeau de paille et tout sourire, Dominick Cerveaux m’attend près du portail. C’est lui qui a veillé pendant 20 ans sur ce jardin extraordinaire. Ami du couple Roche qu’il a bien connu, ce guide nature est aussi un excellent jardinier et botaniste qui connaît les moindres dédales de cette jungle qui couvre aujourd’hui une superficie de 3000 m2.

Nous poussons le portillon pour explorer le jardin proprement dit étagé en contrebas de la maison. Il fait chaud et humide dans cette jungle vivante, luxuriante, exubérante. Je découvre un enchevêtrement de buissons, fleurs, arbres fruitiers et d’ornement dans un dédale de sentiers, de serres et de pépinières. L’organisation du jardin s’est effacée au fil du temps, au profit des plantes qui envahissent désormais tout l’espace.

Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon

Au soleil ou à l’ombre

Ce jardin est une suite de scènes, de coups de coeur, de niches agencées en fonction de sa situation sur le versant. Une allée de Strelitzia reginae, Oiseaux du Paradis, dessine l’axe médian de la villa. L’essentiel du terrain est exposé au soleil levant et est largement éclairé tout au long de la journée. Il convient aux espèces résistantes et exigeantes en lumière comme les Aloe, Euphorbia, Aeonium et Kalanchoe.

Le quartier des ombrières est plus secret. On y trouve beaucoup de plantes épiphytes, orchidées et Tillandsia, des fougères, sélaginelles, et Anthurium. Viennent ensuite la nurserie, la mini-pépinière et le coin des aromatiques et des épices. Plus loin s’épanouissent quelques plantes endémiques venant du Conservatoire botanique de Mascarin auquel les époux Roche ont prêté main forte, accueillant même à leur arrivée les plantes succulentes destinées au Conservatoire.

Jardin de Cendrillon

La pantoufle de Cendrillon

A peine est on rentré dans le jardin, que d’une tonnelle pendent de longues grappes d’une liane en fleurs, le Thunbergia mysorensis. Dominick me raconte que cette liane évoque la pantoufle de Cendrillon. Son inflorescence délicate porte des calices brun-rouge et corolles jaune d’or. Si on la met à l’horizontale, elle ressemble à une délicieuse petite pantoufle orangée. C’est l’une des 450 espèces végétales recensées dans ce jardin.

Liane de Jade Strongylodon macrobotrys, bougainvillées de toutes les couleurs, Ylang-ylang, Cananga odorata aux curieuses fleurs très odorantes, Chapeau chinois Holmskioldia sanguinea… les plantes racontent toutes une histoire, un univers de magie.

Jardin de Cendrillon Thunbergia mysorensis

Un jardin pépinière

Cendrillon a gardé son cachet de jardin d’agrément ouvert au public mais surtout une vocation de pépinière. «Ce jardin est un véritable musée vert et bien plus que cela» expliquait Odette Roche lorsqu’elle évoquait son jardin. Leurs premières plantes, ils les ont dénichées dans la nature, iris naturels du Brulé, orchidées sauvages, fougères… Petites ou grandes, précieuses ou humbles, toutes les intéressaient.

«Nous avons commencé à récupérer ici ou là des boutures, des graines, des plantes, échangées ou achetées à d’autres propriétaires de jardins créoles, toutes des espèces en voie de disparition et nous les reproduisons ici. Puis nous avons rapporté de nouvelles espèces de nos différents voyages avec des certificats phyto-sanitaires et nous en avons fait venir de France».

Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon

Fougères, cattleya et roses vertes

«Notre passion, c’est de trouver toujours des plantes nouvelles et de les faire pousser. Il faut trouver la place qui convienne à chaque plante, jusqu’à ce qu’elle se plaise. On fait des essais, il y a des rebelles. On a commencé par la famille des Philodendron qui n’existaient pas à l’époque de nos parents dans notre patrimoine de jardins, mais à l’état sauvage. Nous en avons nappé nos arbres. Les Dendrobium, il y en a toujours eu dans les jardins créoles, des jaunes, orangés, mauves, couleur chair… Avec les premières Floralies, tout le monde s’est jeté sur les orchidées importées et une vraie passion s’est développée pour ces fleurs précieuses, Cattleya, Paphiopedilum Sabot-de-Vénus, orchidées de serres froides ou chaudes. Les orchidées sont alors vraiment entrées dans le paysage réunionnais.»

Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon

Dans son jardin, Odette était fière de sa collection de fougères, des dizaines de variétés auxquelles les Réunionnais donnent des petits noms: carotte, caméléon, lézard, langue de bœuf, pastille… suivant leur forme, leur comportement. «Regardez cette fougère dentelle, si j’oublie de l’arroser, elle se met en colère et se chiffonne! C’est une espèce en voie de disparition et que j’ai sauvée. Chacune de ces plantes à son histoire. Pour moi, elles sont toutes belles».

Il y a aussi ses roses vertes, ses cannas bi-colores qu’elle fut la première à introduire dans l’île, un pied de cerisier du Brésil, des buissons d’oiseaux du paradis, des fougères «baba» qui portent leurs petits sur le dos, comme elle dit. Et puis, plus près de la maison, sa serre de cœur où elle a amassé mille et une plantules, des miniatures qu’elle aime et des bois flottés aux formes gracieuses. C’est là qu’elle commençait sa journée avant de partir à Saint-Denis.

 

Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon
Jardin de Cendrillon

Passion et fantaisie

«Ce jardin, c’est 35 ans de vie. Beaucoup de fantaisie mais naturel. Ce jardin correspond à mon tempérament. Et si c’était à refaire, je ferais tout pareil. Ce que j’ai choisi m’apporte le moyen de communiquer avec tout le monde et ça me rend heureuse.»

Aujourd’hui, Valère et Odette s’en sont allés. Le jardin est toujours là mais pour combien de temps encore car les promoteurs rêvent de le bétonner…

 

Carnet de route

Adresse: Jardin de Cendrillon, 48 route des Palmiers, 97417 La Montagne, Ile de la Réunion. Le jardin s’est ouvert au public depuis 1997 mais il est actuellement et malheureusement fermé à la visite.

Plus d’infos: www.reunion.fr, http://www.explorerlareunion.com ,  www.guid-a-nou.com , www.mi-aime-a-ou.com , www.agrotours-reunion.com

A lire:

  • «Inventaire floristique du Jardin de Cendrillon», Roger Lavergne
  • «Jardins de la Réunion, L’amour extrême des plantes», Isabelle Specht, Orphie.

Reportage publié dans Les Jardins d’Eden 2012 (www.edenmagazine.be)

Mon voyage à la Réunion m’a offert de belles découvertes. Vous retrouverez mon reportage sur l’Ile de la Réunion, le Jardin de l’Etat à Saint-Denis, le Jardin botanique de Mascarin, le Jardin d’Eden, le jardin de la Maison Folio à Hell Bourg, la vanille à la Réunion, le portrait de la fleuriste Odette Roche et le portrait d’Edmond Albion, l’esclave qui a découvert la fécondation de la vanille, dans les rubriques Voyages, Jardins et Découvertes, ou cliquez sur les liens.

Jardin de Cendrillon

 

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