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Longtemps considéré comme une plante fragile, le Camellia japonica fait son grand retour dans nos jardins grâce aux hivers très doux de ces dernières décennies.

 

Un cousin de l’arbre à thé

Le camélia appartient à la famille des Theaceae dont le principal représentant est le Camellia sinensis, l’arbre à thé, connu en Chine et au Japon depuis des millénaires. Les arbres d’ornement dont font partie le Camellia japonica sont pour leur part connus depuis le 7e siècle en Chine. Ils ne seraient arrivés au Japon qu’au début du 12e siècle.

Camellia sinensis

Camellia sinensis

L’Empire du Soleil Levant

En Chine comme au Japon, le camélia est au coeur de la tradition horticole depuis plusieurs siècles. Si les Chinois apprécient le camélia double pour sa beauté, ils redoutent d’apercevoir ses étamines jugées vulgaires et qui portent malheur. Les Japonais préfèrent les fleurs simples à grandes étamines jaunes, synonymes d’élégance et porte-bonheur..

Camellia japonica

Camellia japonica

L’arbre aux feuilles brillantes

Au Japon, le camélia portait le nom de Tsubaki, l’arbre aux feuilles brillantes Les camélias ont voyagé très tôt, dès le 13e siècle, du temps de la route de la Soie et de Marco Polo. C’est probablement via la colonie portugaise de Macao que les marins et missionnaires ont importé vers le milieu du 16e siècle en Europe les premiers camélias que l’on appelait alors Rose chinoise.

Camellia japonica

De l’Asie à l’Europe

Le médecin Andreas Cleyer (1634-1697) est le premier à avoir observé la plante au Japon. Le voyageur Engelbert Kaempfer (1651-1716) qui travaillait pour la Compagnie hollandaise des Indes orientales a constitué un herbier avec les premières descriptions et croquis du tsubaki vu au Japon en 1690. Le genre Camellia (avec deux L) a été attribué en 1753 par le botaniste Carl von Linné en hommage au missionnaire jésuite Georges Joseph Kamel (1661-1706) qui avait décrit la flore des Philippines et dévoilé la façon de faire du thé.

Camellia japonica

Dans les jardins botaniques

Les Anglais et les Portugais ont largement contribué à l’implantation du camélia en Europe. Croyant semer des graines de Camellia sinensis pour la production de thé dans leur pays, les Anglais ont fait pousser en 1739 avec succès du Camellia japonica qui fut rapidement apprécié pour ses qualités ornementales.

Camellia japonica Alba Simplex

Camellia japonica ‘Alba Simplex’

En Italie, Espagne et France, les camélias ont été longtemps considérés comme des curiosités botaniques plantées dans les parcs ou cultivés comme plantes d’orangerie dans les serres.

Camellia japonica

La Dame aux camélias

Joséphine de Beauharnais (1763-1814) lance la mode du camélia en le cultivant dans les serres de La Malmaison. C’est en France que le camélia rencontre son plus grand succès après la publication du célèbre roman d’Alexandre Dumas (1824-1895), La Dame aux camélias en 1848. La vogue du camélia est à son apogée. Les hommes le portent à la boutonnière, les femmes en ornent leur coiffure et en décorent leur intérieur.

Camellia japonica
Camellia japonica
Camellia japonica
Camellia japonica

Le camélia en Belgique

Les premiers Camellia japonica arrivent à Anvers envoyés par le médecin naturaliste Philippe Franz von Siebold (1796-1866) de la Compagnie néerlandaise des Indes. Venant du Japon, ces camélias sont destinés au Jardin botanique de Leyde. Mais du fait de l’indépendance de la Belgique en 1830, les six Camellia japonica sont finalement plantés dans le Jardin botanique de Louvain. Avec de nouveaux cultivars importés d’Angleterre et d’Italie, ils constituent la base de la culture belge des camélias.

Camellia japonica

La collection de Laeken

Lorsqu’il accède au trône de Belgique, le Prince Léopold de Saxe Cobourg amène de sa propriété anglaise de Claremont plusieurs camélias qu’il fait installer dans l’orangerie du château de Laeken. Son successeur, le roi Léopold II vouait une véritable passion pour ces arbustes. Il avait rassemblé dans la Serre aux Camélias plus de mille specimens dont la plupart appartiennent au Camellia japonica. Les serres abritent encore aujourd’hui plus de 300 camélias dont 190 ont pu être clairement identifiés. Certains plants de Laeken auraient plus de cent ans. La collection de camélias des Serres Royales de Laeken en Belgique est une des plus vieilles et des plus importantes conservées sous verre d’Europe.

Camellia japonica Beauté de Nantes

Camellia japonica ‘Beauté de Nantes’

Les camélias de Nantes

Les premières importations de Camellia japonica concernaient surtout des cultivars à fleurs simples et rouges. D’autres suivirent à fleurs doubles obtenues en pleine terre en France, Italie et Portugal ou sous serre en Allemagne, Belgique et Angleterre. En 1806, Ferdinand Favre, futur maire de Nantes, découvre le camélia lors d’une exposition à Gand, en Belgique. Il s’enthousiasme aussitôt pour celle qu’on surnomme la Rose du Japon. Il fait venir à grand frais d’Angleterre les premières graines, les sème et obtient 7000 plants dans sa propriété.

Camellia japonica Gloire de Nantes

Camellia japonica ‘Gloire de Nantes’

Les camélias de Monsieur Favre

A Paris comme ailleurs, le camélia est à l’époque cultivé en serres chaudes mais Favre pense que le climat nantais devrait permettre à la plante de se développer en plein air et en pleine terre sous réserve de sélectionner les sujets les plus résistants. A Nantes, les sélections et les hybridations se multiplient. En 1857, la Société nantaise d’horticulture recense dans la cité plus de 250.000 camélias cultivés et une production annuelle de 60.000 plants! La Ville de Nantes compte aujourd’hui 1200 variétés réparties sur cinq sites. L’ensemble est reconnu collection nationale de Camellia.

Camellia japonica

Les serres de Gand

En Belgique, la région de Gand comptait au milieu du 19e siècle jusqu’à 266 serres de production. Les obtenteurs se nomment Verschaffelt, Van Houtte, De Bisschop, Parmentier ou Linden. La guerre 14-18 sonna le glas de la mode du camélia. Les vitres brisées des serres n’offraient plus d’abri aux plantes. Après le dur hiver 1917, toutes les plantes gelèrent sauf les camélias! A leur grand étonnement, les horticulteurs apprirent que les camélias pouvaient résister à notre climat continental.

Camellia japonica General Colletti
Camellia japonica Fragrant Pink
Camellia x williamssi Debbie
Camellia japonica Madame Louis Van Houtte

En haut Camellia japonica ‘General Colletti’ et Camellia japonica ‘Fragrant Pink Profumata’, en bas Camellia x williamsii ‘Debbie’ et Camellia japonica ‘Madame Louis Van Houtte’

La résistance au froid du camélia

Il existe diverses espèces de Camellia mais l’un des plus résistants au froid est le Camellia japonica. Cet arbuste est capable de supporter des gels de -15°C, voire –20°C à condition que ce soit dans un laps de temps assez court et durant une période de dormance absolue. Si le gel se prolonge, les racines seront détruites et le camélia périra non pas de froid mais de soif, les racines ne pouvant plus absorber l’eau. Les arbustes de quatre ans ou plus sont plus résistants que les jeunes plantes. La rusticité de l’arbuste varie également selon son origine. S’il provient d’Italie ou d’Espagne, le camélia supportera moins bien le gel qu’une plante cultivée dans nos régions.

Camellia japonica

 

Le danger du gel tardif

Il ne faut pas confondre résistance de l’arbuste au froid et résistance de ses fleurs. Le pourcentage d’eau est plus important dans la fleur que dans la plante elle-même. Quelques jours à -2°C et les fleurs seront perdues! Les camélias à fleurs blanches sont plus fragiles au gel. Les variétés à fleurs simples résistent mieux aux intempéries que celles à fleurs doubles ou à fleurs imbriquées.

Camellia japonica

Camellia ‘Crimson Candles’

De la montagne à nos jardins

Dans son environnement naturel, les forêts montagneuses de Chine, le Camellia japonica est un arbre qui peut atteindre 15 mètres de haut. Il apprécie les climats humides avec des précipitations abondantes, un ciel nuageux et un degré d’hygrométrie élevé. Dans nos jardins, le camélia forme un bel arbuste au feuillage persistant vernissé qui peut atteindre 2 à 5 mètres de haut.

Camellia japonica

Un port érigé ou compact

Selon les variétés, le port de la plante est très varié, de forme érigée à très large, compacte ou à branches retombantes. Aujourd’hui, chacun peut cultiver son camélia, dans son jardin ou son patio, mêlé à d’autres arbustes ou palissé contre un mur. La gamme s’est beaucoup étendue avec de nouvelles hybridations venues des USA, d’Australie, de Nouvelle-Zélande ou de Bretagne.

Camellia japonica Sacco Nova
Camellia japonica Nuccio's Pearl
Camellia japonica Coco
Camellia japonica Paolina Guichardini

En haut, Camellia japonica ‘Sacco Nova’ et ‘Coco’, en bas ‘Nuccio’s Pearl’ et ‘Paolina Guichardini’

Des roses sans épines

Les fleurs spectaculaires du camélia s’épanouissent de février à mai selon les variétés. La floraison dure à peu près quatre à six semaines. La fleur peut être simple, semi-double, double ou à fleurs imbriquées comme une rose botanique, un magnolia, une pivoine ou une anémone. Les couleurs des fleurs vont du blanc pur au rouge sombre en passant par tous les roses tendres et panachures diverses et parfois très étonnantes. La couleur des étamines peut varier du jaune pâle au jaune très vif et même brun ponctué de noir.

Camellia japonica Royal Velvet
Camellia japonica Tulip Time
Camellia japonica Madame Lourmand
Camellia japonica Sunny Side

En haut Camellia japonica ‘Royal Velvet’ et ‘Madame Lourmand’, en bas ‘Tulip Time’ et ‘Sunny Side’

Attendez le printemps

La plupart des camélias sont cultivés en conteneurs et peuvent en principe être plantés toute l’année. La période idéale au nord de la Loire se situe après la floraison, en avril après les derniers risques de gel ou en octobre lorsque le sol est encore tiède. La plupart des camélias sont des plantes de sous-bois. Ils aiment la mi-ombre et supportent mal le vent. On les plante à l’abri du soleil matinal hivernal. L’exposition nord-ouest est idéale pour éviter les écarts de température dus à des dégels trop brusques.

Camellia japonica Gay Baby

Camellia japonica ‘Gay Baby’

De la terre de bruyère

Les camélias préfère les sols neutres à acides (un pH autour de 6). Ils détestent le calcaire et les terrains lourds et argileux. Mélangez à la terre du jardin et de la terre de bruyère à raison d’un tiers de sac par trou de plantation. Dans le fond du trou, ajoutez un peu de terreau, de compost ou d’engrais organique complet. Ne plantez pas trop profondément la motte. Comme pour un rhododendron ou une azalée, sa partie supérieure doit affleurer le niveau du sol.

Camellia Inspiration

Camellia ‘Inspiration’

La protection d’un paillis

Du fait de son enracinement peu profond, il est indispensable de couvrir le pied de l’arbuste par un paillis d’une vingtaine de centimètres de feuilles mortes, paille, compost ou écorces de pin broyées pour le protéger des rigueurs hivernales et de la sécheresse en été. Les avantages sont multiples: excellente isolation du sol, perméabilité du sol à l’eau, émission de chaleur par décomposition du paillis, production d’un compost acide utilisable par le camélia.

Camellia Night Rider

Camellia ‘Night Rider’

Une plante gourmande

Le camélia est très florifère. La plante aime une fertilisation régulière mais légère en pot, et rien en pleine terre une fois que la plante est bien démarrée. Apportez-lui chaque année une litière de terre de bruyère ou de terreau acide d’environ 2 centimètres. Cessez tout apport au mois de juin. Les camélias doivent être bien aoûtés pour résister au gel.

Camellia japonica
Camellia japonica
Camellia japonica
Camellia japonica

De l’eau mais pas stagnante

Le camélia craint plus l’insolation et la sécheresse que le froid. Arrosez copieusement le pied de l’arbuste, immédiatement après la plantation. Par temps chaud et sec, arrosez le soir à l’eau de pluie et bassinez le feuillage. Il faut également éviter l’eau stagnante en veillant à un bon drainage du sol permettant le passage de l’eau et l’aération des racines. Plantez-les en zone surélevée ou sur une pente pour favoriser l’écoulement de l’eau.

Camellia Freedom Bell

Camellia ‘Freedom Bell’

Taille ou pas taille?

Il n’est pas indispensable de tailler le camélia. On obtient des forme libres sans y recourir. Mais le camélia supporte parfaitement une taille sévère car il repart facilement sur le vieux bois. La taille est parfois nécessaire si l’arbuste a souffert du gel. On peut alors le tailler presque au ras du sol comme un rhododendron pour faciliter sa reprise. Le camélia forme ses boutons durant l’été sur le bois de l’année. La taille s’effectue donc après la floraison. En taillant trop tard, vous risquez de supprimer la floraison suivante.

Camellia japonica Betty Sanders

Camellia japonica ‘Betty Sanders’

Les soins et maladies

Le jaunissement des feuilles, appelé chlorose, peut être due à l’excès de calcaire, à l’excès d’humidité qui asphyxie les plantes ou au manque de nourriture ou le manque d’eau. La fumagine est provoquée par un d’un champignon microscopique. Il se manifeste par une poussière noire comparable à la suie qui recouvre les feuilles. La chute des boutons est souvent attribuée à la sécheresse de l’atmosphère, au manque d’arrosage ou au contraire à un excès d’arrosage surtout en pot par manque d’aération des racines.

Camelia bokuhan

Camellia japonica ‘Bokuhan’

Quel Camellia choisir?

Le climat est important dans le choix. En climat océanique, littoral belge et ouest de la France, on peut accéder à beaucoup de variétés. En climat plus continental, il faut vérifier la rusticité des variétés.  Dans les régions au nord de la Loire il est préférable de choisir des variétés à floraison tardive comme ‘Dr Tinsley’, ‘Berenice Boddy’, ‘Tricolor’, Daikagura‘ ou des hybrides comme le Camellia japonica Higo (C. japonica x C. japonica ssp. Rusticana), ‘Blood of China’, (C. oleifera x C. japonica) ou ‘Frost Prince’ (C. hiemalis x C. oleifera). Certaines variétés très rustiques ne sont pas tardives, comme ‘Freedom Bell’ ou ‘Lady Vansittart’.

Camellia japonica

Camellia ‘Lavinia Maggi Rosea’

Carnet d’adresses

International Camellia Society, www.internationalcamellia.org

Parc à visiter: Arboretum Het Leen à Eekloo, Belgique, www.hetleen.be

Pépinières:

Crédit photos: Agnès Pirlot, pépinière Stervinou, Jardin botanique de Nantes

Rendez-vous dans la rubrique Végétaux, Arbres et arbustes, pour découvrir mes reportages sur les arbustes qui fleurissent au printemps, les Daphnés, les Magnolias, les Rhododendrons, les Erables du Japon, les Azalées rustiques de Gand et bien d’autres plantes, ou cliquez sur les liens.

Camellia japonica

 

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