Rassemblant plus de 2000 espèces et cultivars, le jardin Amoena de Francis Peeters et Guy Vandersande est une fantaisie bien encadrée. Visite guidée.

 

Amoena en latin veut dire plaisant, charmant, agréable…

Entouré de champs et de prairies, Hoves est une paisible commune du Hainaut, non loin du château d’Enghien. Au centre du village se dresse une petite église romane dotée d’une flèche gothique. Je la contourne pour arriver à Amoena, un jardin merveilleux où je suis accueillie par Francis Peeters, historien de l’art, conférencier spécialisé dans l’art asiatique et journaliste. Nous sommes rejoints par Guy Vandersande, architecte paysagiste et photographe. C’est à quatre mains qu’ils ont créé ce merveilleux jardin aux multiples facettes.

Un jardin à quatre mains

Ensemble Francis et Guy s’intéressent à l’art des jardins et au jardinage. «Guy, c’est l’architecte du jardin, m’explique Francis. Avec son tempérament cartésien, il a créé le fil conducteur du jardin avec une structure de base bien dessinée. Il a l’oeil au niveau des lignes, des axes et des perspectives multiples qui donnent l’impression que le jardin est plus grand qu’en réalité. Comme un sculpteur armé d’un sécateur, il taille les arbustes pour mettre en valeur une silhouette, dégager de belles écorces.» Magicien de la couleur, Francis est fou de plantes. «Mon domaine, c’est le choix des végétaux, leurs couleurs et leurs silhouettes. Je fonctionne de façon plus instinctive, au coup de foudre, pour une fleur, une harmonie.»

Il y a de quoi s’amuser sur 40 ares

Le jardin Amoena est une pente ensoleillée de 40 ares ouverte sur la campagne. Elle est divisée en plusieurs parties. Le premier jardin près de la maison a été créé il y a vingt ans, avec des parterres de plantation qui rassemblent une profusion de plantes vivaces et de buissons. En octobre 2006, la surface a été doublée, donnant naissance à de nouveaux jardins très contrastés. Un jardin japonisant, une zone marécageuse, une prairie libre et des îlots de graminées, un parterre exotique, un sous-bois de bouleaux et un potager.

Des lignes fluides

On passe d’une parcelle à l’autre, en toute fluidité. Les lignes sont tracées de manière à présenter des perspectives changeantes et intègrent le paysage campagnard environnant. «On n’aime pas les cloisonnements, les haies qui enlèvent tout fil rouge.» Popularisée dans les années 70 par Alan Bloom dans son célèbre jardin anglais de Bressingham, la plantation en îlots est ici revisitée. Elle rythme l’espace en des ensembles autonomes de groupes de plantes qui peuvent prendre différentes formes et reliefs.

Inspiration anglaise

Autour de la maison, le jardin s’organise en parterres de plantations. L’Angleterre, où Francis et Guy se rendent régulièrement, est une source d’inspiration inépuisable dans le jardin. «Plus de la moitié des plantes viennent de là-bas. Les anglais ne se prennent pas au sérieux et leur particularisme insulaire nous attire. Surfant sur la vague du nouveau naturalisme, ils nous proposent aujourd’hui des scènes énergiques dont les bien trop sages jardins belges et français feraient bien de s’inspirer.»

Jeux de silhouettes

Arbres, arbustes, vivaces, graminées et bulbes apportent couleurs et fraîcheur au fil des saisons. La première démarche a consisté à créer la base du paysage avec des arbres. A ceux qui subsistaient du jardin d’origine ont été ajoutés des essences décoratives, comme un Albizia julibrissin à feuillage découpé ainsi que des magnolias d’été comme les Magnolia wilsonii, grandiflora et sieboldii ou des érables japonais à la silhouette très graphique.

Des écorces décoratives

Pour obtenir un jardin intéressant en hiver, les arbres aux belles écorces ont été privilégiés, bouleaux, érables, Acer davidii et griseum, Prunus serrula et Eucalyptus ainsi que les arbres plus rares, comme le Lagerstroemia, surnommé le Lilas des Indes. Vient ensuite le tour des arbustes comme les Cornus et Viburnum.

Une succession de tableaux

L’intérêt de ce jardin ne réside pas seulement dans la sélection des plantes, mais dans leur combinaison et dans la succession des tableaux organisés au fil du temps. Francis a installé ses plantes en tenant compte de plusieurs critères: le respect des besoins spécifiques de chaque plante, les mariages entre elles selon les hauteurs et leur période de floraison, les associations de couleurs, de formes et de textures.

Des floraisons généreuses

Les fleurs vivaces se mêlent aux graminées. Certaines fleurissent au printemps, un pavot, une euphorbe ou un ail d’ornement dont l’intérêt graphique se prolonge durant l’été après la floraison. Echinacea, Monarda, Rudbeckia fleurissent en été en compagnie de plantes plus exotiques, Crocosmia, Tritonia, Kniphofia et Eucomis, originaire d’Afrique du Sud. «On retrouve différentes ambiances, raconte Francis. Dans certains coins, c’est très flashy, avec du jaune et de l’orangé. Dans d’autres, beaucoup plus sobre, japonisant.»

Des vagues de graminées

Les graminées sont organisées de manière fluide, comme une vague qui se faufile entre deux rochers. Les espèces sont regroupées en larges blocs mais avec ça et là, des exemplaires uniques choisis pour leur grande valeur architecturale.

Un jardin japonisant

Un jardin de style japonisant offre une atmosphère zen avec des allées minérales, une pièce d’eau alimentée par une rivière glissant sur des galets, bordée de mousse et de conifères rares qui changent de tonalité selon la saison. «On pense que les conifères sont ennuyeux alors qu’on peut les utiliser exactement de la même manière que les vivaces, harmoniser les couleurs et les feuillages.»

L’important, c’est la terre

Guy et Francis ont la main verte. Leur jardin est un véritable laboratoire vivant des succès et des échecs qui ponctuent la vie d’un jardinier. «On étudie chaque fois l’environnement qu’on a et on s’y adapte, plutôt que de faire le contraire. Mais nous avons aussi du améliorer le terrain afin de la préparer à accueillir les plantes que nous voulions y introduire. Nous avons hérité d’un sol limoneux à tendance très légèrement acide, une terre idéale pour les rosiers mais redoutable pour certaines plantes particulières parfois délicates. Pour évacuer l’eau stagnante, nous avons posé un drain dans les parcelles. Le sol a été travaillé sur deux fers de bêche pour le décompacter en y incorporant des billes argiles expansé, du compost et des graviers de lave. Même en plein été le travail est alors aisé et le jardin ne nécessite jamais le moindre arrosage même en temps de canicule.»

Un paillis de lave et de graviers

Les bulbes sont enfouis assez profondément pour éviter que le gel ne les atteigne. Les vivaces et les arbustes dépassent au contraire très légèrement du sol et une butte est aménagée à leur pied pour favoriser l’évacuation de l’eau. «Quelque soit le type de jardin, le paillis s’avère indispensable. Nous avons choisi de couvrir les parterres de graminées d’un lit de lave. Avec le temps, la lave se désagrège dans le sol pour en améliorer la texture et la richesse. Les allées engazonnées ont été remplacées par des dalles de granit encadrées de galets blanc cassé. La combinaison de la lave et du minéral favorisent une chaleur au sol au moindre rayon du soleil. Le drainage en surface de la lave et des graviers profite au semis spontané des plantes portées par le vent et qu’il faut supprimer pendant la belle saison. Un travail qui n’a toutefois rien à voir avec l’esclavage auquel il faut s’attendre en l’absence de couvre-sol.»

Le blog, véritable mine d’or

Leur passion du jardin, Francis et Guy la partagent avec le public par le biais de leur blog, une mine d’or d’informations avec une approche un peu décalée et pleine d’humour. Il y a aussi l’édition de livres, la rédaction d’articles dans la presse écrite et l’organisation de voyages au Japon, en Afrique du Sud ou ailleurs dans le monde (www.marco-polo.be). Francis anime également des chroniques à la télévision dans l’émission ‘Jardins & Loisirs’ de la RTBF. Vous l’aurez sans doute déjà aperçu en compagnie de Luc Noël dans la séquence ‘amours de plantes’ où il présente à chaque fois le portrait complet d’une plante de saison et les conseils de culture qui s’y rapportent.

Bienvenue au jardin

Francis et Guy organisent régulièrement des visites guidées de leur jardin. Bien plus qu’un simple but de promenade, cette découverte renouvelée de mois en mois au fil de la belle saison nous apprend mille et une choses sur le monde des jardins: comment marier les plantes entre elles, connaître leurs besoins, découvrir les nouveautés dénichées ici et ailleurs, composer des associations qui changent du printemps à l’automne… La visite est passionnante surtout durant l’été pour admirer les plantes exotiques, les graminées et les vivaces au meilleur de leur forme!

Amoena, journées portes ouvertes avec visite guidées. Réservation indispensable. Près de la maison, salon de thé où l’on découvre l’histoire du thé et l’on déguste de grands crus. Le jardin est également ouvert à date fixe pour les membres de l’association «Jardins Ouverts de Belgique» www.jardinsouverts.be et www.jardinsamoena.be

Reportage publié en 2014 dans Nest (www.roularta.be)

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