Le jardin de Max Liebermann à Wannsee près de Berlin n’est pas un jardin impressionniste. Mais il a inspiré l’artiste qui y a peint plus de deux cents tableaux.
Peintre berlinois
Max Liebermann est né en 1847. Fils d’une riche famille d’industriels juifs, il vit dans un hôtel particulier de la Pariser Platz de Berlin. Il fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Weimar puis il rencontre à Paris les impressionnistes français. En Hollande, il étudie la peinture de Frans Hals. Revenu à Berlin, il devient président de la Berliner Sécession qui s’oppose aux idées conservatrices de la peinture académique.
Entre naturalisme et impressionnisme
Le style de Liebermann représente une transition entre naturalisme et impressionnisme. Dans ses premières toiles, les couleurs sombres prédominent avec pour thème le travail manuel des hommes, qu’ils soient paysans, artisans ou ouvriers, donnant ainsi une connotation sociale à sa peinture. Puis son oeuvre devient plus lumineuse dans un assemblage suggestif de touches de couleurs. Il devient le grand peintre des scènes de plein air, peignant les jeux d’ombre et de lumière des allées de parcs, des plages et des terrasses de cafés.
Villa am Wannsee
C’est en 1909 que Max Liebermann demande à l’architecte Paul Otto Baumgarten de lui construire une villa sur les rives du lac de Wannsee. Cette résidence devient pour lui un refuge en été loin de l’agitation de la grande ville. Le jardin est dessiné par son ami Alfred Lichtwark qui appartenait au mouvement Gartenkunstreform qui prônait la modernisation de l’architecture de jardin. En réaction aux lignes tortueuses des jardins paysager anglais, celui-ci trace des allées rectilignes, des parterres de buis et des haies de charmilles qui relient le jardin à la maison.
Jardin de fleurs et de légumes
Devant la maison, côté rue, un jardin utilitaire rassemble des carrés de légumes qui se mêlent aux parterres de plantes vivaces et champêtres. Une rangée de tilleuls taillés isole visuellement le jardin utilitaire de l’esplanade d’accueil de la maison.
Cherchant des effets de couleurs pour ses peintures, Liebermann modifiait presque tous les ans les parterres de fleurs. Il aimait les dahlias, les phlox, les monardes, roses trémières, sauges et rosiers qu’il choisissait avec les conseils du pépiniériste Karl Foerster qui habitait à Potsdam.
Le jardin avec vue sur le lac
A l’arrière de la maison, le jardin se compose d’une vaste pelouse qui descend vers le lac. Elle est bordée de deux chemins rectilignes. Des bosquets de bouleaux bordent le lac et l’allée de droite. Certains débordent carrément sur le chemin créant une tension entre la géométrie stricte du jardin et l’environnement naturel.
A gauche en regardant le lac, une longue haie de charme abrite trois chambres de verdure. La première chambre est animée par un carré de tilleuls palissés. La seconde se composait d’un tapis d’herbe autour d’un parterre fleuri bordé de pots d’agapanthes que l’on aperçoit sur de nombreuses toiles. Une roseraie occupe la troisième chambre avec une pergola couverte de rosiers grimpants.
«C’est dans ces tableaux composés par le peintre âgé entre 70 et 80 ans qu’il a atteint l’apogée de sa vigueur de coloriste. Avec l’enivrante variété de ses couleurs, leur exubérance somptueuse, l’art du peintre s’y est révélé de la manière la plus pure et la plus directe. C’est là que le vieux maître, en établissant le rapport entre les joies sensuelles du regard et son pouvoir de création, s’élève vers la beauté du monde divin.» (Max Osborn, 1945)
Citoyen d’honneur de Berlin
En 1927, son 80e anniversaire est célébré par une exposition d’une centaine de ses peintures. Albert Einstein et Thomas Mann font son éloge. La ville de Berlin lui décerne le titre de citoyen d’honneur de Berlin. De 1920 à 1933, il dirige l’Académie prussienne des arts de Berlin. Il doit démissionner en raison de son origine juive et de l’influence grandissante du nazisme.
Juif et libéral, Max Liebermann est la cible de la propagande antisémite. En janvier 1933 a lieu la prise de pouvoir des nazis. Alors que la retraite au flambeau des nazis défile devant sa maison sur la Parizer Platz, Libermann prononce dans son dialecte berlinois la célèbre phrase: «Je ne pourrai jamais assez manger pour vomir autant que je le souhaite.» En 1934, il peint un dernier autoportrait. Il avoue à un de ses derniers visiteurs «Je ne vis plus que par haine. Je ne regarde plus par les fenêtres de cette maison. Je ne veux plus voir le nouveau monde qui m’entoure.»
Max Liebermann meurt en 1935, à l’âge de 87 ans. Aucun hommage officiel ne lui est rendu. Peu avant sa déportation dans un camp de concentration, son épouse se suicide et décède en 1943. Mise en vente forcée par en 1940, la villa de Wannsee héberge un bureau du Reich. Quant au palais Liebermann sur la Pariser Platz, il ne tarde pas à tomber en ruine.
A la fin de la guerre, la Villa de Max Liebermann à Wannsee sert d’hôpital. En 1951, dans le cadre des réparations d’après-guerre, on restitue la propriété à la fille de l’artiste. En 1995, la villa est classée comme monument historique. La maison et le jardin sont réhabilités tels qu’à l’origine grâce à la société Max Liebermann-Gesellschaft et à de nombreux donateurs.
Depuis 2006, la villa est un musée avec des expositions temporaires des oeuvres de Max Liebermann et de ses contemporains. Les oeuvres nées à Wannsee sont au coeur de la collection. Les tableaux de la terrasse en fleurs, le jardin de plantes vivaces, l’allée des bouleaux ou la vue sur les voiliers au-delà de la longue pelouse, motifs que le visiteur peut découvrir en se promenant dans le jardin.
Villa de Max Liebermann à Wannsee
Liebermann Villa am Wannsee. La visite de la villa Liebermann comprend l’appartement, l’atelier de l’artiste et le jardin. Salon de thé et expositions temporaires. Accès: A la gare de Wannsee, prendre le bus 114 qui contourne le lac et descendre Am Grossen Wannsee. Colomierstrasse 3 à Wannsee, Berlin. www.liebermann-villa.de et www.berlin.de
A visiter à Wannsee: à quelques centaines de mètres, dans la rue Am Grossen Wannsee, il faut visiter la villa Marlier où s’est tenue en 1942 la conférence du Troisième Reich en 1942 afin de mettre au point le plan d’extermination des juifs d’Europe. www.ghwk.de
Crédit photos: Agnès Pirlot. Les tableaux de Max Liebermann ont été photographiés à l’Alte Nationalgalerie à Berlin www.smb.museum
Pour découvrir mes reportages sur Berlin et Potsdam, les jardins de Sanssouci et de Charlottenburg, rendez-vous dans les rubriques Voyages Europe et Jardins, Allemagne ou cliquez sur les liens.
Grand admirateur de Max Liebermann et de l’Impressionnisme,ancien enseignant d’Allemand
et ayant beaucoup d’attaches à Berlin, je vous remercie et vous felicite pour votre excellent reportage !
Je vous suivrai dorénavant avec grand plaisir !
Bien cordialement,
Pascal
Merci Pascal!
J’ai visité le musée Libermann en compagnie de mon épouse en 2010. Nous avions pris le S-Bahn de la Station Zoo au Lac Wannsee situé au Sud-ouest de Berlin.
La Villa Libermann me rappela celle ce Claude Monnet visitée également avec ma femme à Giverny en Normandie France.
Cependant, Libermann n’a pas prévu de pont enjambant un cours d’eau planté de nénuphars.
Une visite inoubliable des lieux avec marche du S-Bahn Wannsee à la villa et retour à Berlin par bus qui s’arrête juste devant le musée.
J’apprécie le café et le gâteau dégustés devant l’immense prairie gazonné qui descend jusqu’au lac.
Voir les villas Libermann et Claude Monet est un must.