La lavande, c’est l’âme de la Haute Provence disait Giono. Sur les collines et les coteaux ensoleillés, elle prête à la terre son fard bleu et violet le plus lumineux.
Symbole de la Haute-Provence
La lavande pousse spontanément sur le pourtour du bassin Méditerranéen. Elle est résistante au froid mais exige une terre parfaitement drainée. Les sols pauvres, secs et caillouteux de Haute-Provence sont propices à son développement et elle abonde dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, de la Drôme, du Vaucluse et du Luberon.
Lavandula, Lavare, Lavande
Originaire de Perse et des îles Canaries, la lavande est implantée en Provence depuis l’Antiquité. Les Egyptiens en parfumaient leurs tombeaux. Les Grecs et les Romains l’utilisaient pour parfumer l’eau de leur bain et de leur lessive. C’est probablement de ces fonctions purifiantes que naquit son nom botanique, Lavandula, issu du latin lavare signifiant laver.
Des épis parfumés
Les tiges de la lavande sont surmontés d’un épis où chaque fleur est complète et indépendante. Le calice couvert d’une pilosité protectrice est d’une couleur pouvant varier du violet intense au bleu pâle. C’est là que s’accumule la précieuse huile essentielle de la lavande, une des plantes aromatiques et médicinales majeures en Provence.
Lavande ou lavandin?
Il y a principalement trois espèces de lavandes cultivées en France. La plus connue et la plus méritante est la lavande vraie, Lavandula angustifolia, qui pousse à l’état sauvage dans la montagne entre 800 et 1600 mètres d’altitude. Il y a aussi la lavande aspic, Lavandula latifolia, une grande lavande très peu cultivée en Provence mais plutôt au pied des Cévennes. Il y a enfin le lavandin, Lavandula x intermedia, qui est un hybride des deux précédents. Il est cultivé en plaine ou en altitude et offre un meilleur rendement.
La lavande vraie
De petite taille, la lavande vraie ou lavande fine porte le nom botanique de Lavandula angustifolia qui signifie à feuilles étroites. Elle porte aussi le nom de Lavandula vera, la lavande vraie et de Lavandula officinalis pour ses vertus médicinales. Elle possède une seule fleur sur chaque tige. Son rendement idéal se situe dans les champs de culture entre 800 et 1200 mètres d’altitude.
La lavande de population
La lavande vraie ‘de population’ est issue d’une graine ce qui certifie sa diversité génétique. Elle seule peut être utilisée pour ses vertus médicinales. Chaque touffe de lavande fine issue d’une graine particulière est donc génétiquement différente de sa voisine. On observe ainsi de grandes variations dans l’aspect des plantes entre elles. La forme et la couleur des épis floraux peuvent varier, allant du mauve bleuté pâle au violet le plus intense avec parfois des plants roses ou blancs. On désigne cette diversité de plants par le terme de lavande de population.
Les lavandes vraies obtenues par clonage proviennent d’une bouture prélevée sur un pied mère de Lavandula angustifolia. Le rendement des variétés ainsi obtenues est au moins deux fois supérieur à ceux de la lavande fine de population mais ne prétendent pas au même niveau de qualité olfactive.
Une fragrance délicate
La lavande vraie issue de semis est très recherchée par les parfumeurs pour sa fragrance très subtile, d’où le nom de lavande fine. Elle est également prisée en aromathérapie. Il faut environ 130 kg de fleurs de lavande vraie pour obtenir un litre d’huile essentielle par distillation. Un hectare de plantation peut, dans les bonnes années, produire jusqu’à 25 litres d’huile essentielle.
Une huile pleine de vertus
C’est pour ses propriétés médicinales que la lavande sera surtout utilisée sous forme d’huile dès le Moyen-Age pour désinfecter les plaies et se protéger des épidémies. L’huile essentielle 100% pure et naturelle de lavande fine peut être utilisée en massage, en friction, en inhalation ou sur un sucre ou une cuillère de miel. C’est un calmant contre les insomnies, le stress et les maux de têtes. La lavande est anti-parasitaire, désinfectante, cicatrisante et anti-infectieuse. Elle est décontractante et calme la douleur.
Les champs de lavandin
De grande taille, le lavandin, Lavandula angustifolia x latifolia (syn. Lavandula hybrida ou Lavandula x intermedia) est un hybride issu d’un croisement entre la lavande fine et la lavande aspic. Il forme une touffe très développée en dôme régulier couverte de fleurs portées par des brins à deux ramifications. On le cultive en plaine, du bord de mer jusqu’à 800 mètres d’altitude. Il possède une grande faculté d’adaptation au climat et à la nature des sols.
Issu d’une pollinisation naturelle par les insectes butineurs, le lavandin est cultivé depuis les années 1920. Cette hybridation a donné naissance à différentes variétés stériles qui se multiplient par bouturage, ce qui explique l’aspect homogène et régulier des champs de lavandin car toutes les plantes sont identiques. Le plus répandu est le lavandin ‘Grosso’ qui couvre à lui seul près de 80% des surfaces de lavandin cultivées en Provence.
Le parfum du lavandin
Le lavandin a un parfum fort un peu camphré, beaucoup moins subtil que celui de la lavande fine. Son huile essentielle parfume les produits d’entretien, les détergents et désodorisants industriels. Il sert aussi à la confection des petits sachets de lavande qui parfument le linge et éloignent les mites. Il faut environ 40 kg de fleurs pour obtenir un litre d’huile essentielle de lavandin. Avec une production de 80 à 180 kg par hectare, c’est un rendement bien plus intéressant que la lavande fine.
Semis et boutures
La lavande peut se multiplier par semis (lavande vraie de population) ou par boutures (lavande vraie de clonage et lavandin). Le prélèvement des graines et des boutures doit être effectué sur les plants les plus sains pour lutter contre le dépérissement. Les graines semées en novembre germeront en avril l’année suivante. Il faudra attendre trois ans pour pouvoir utiliser les plants pour une nouvelle plantation. Les plantes vont vivre une douzaine d’années et ils produiront une récolte pendant 8 à 10 ans.
Plantation, désherbage et engrais
Les plantations de la lavande débutent en mars. Il y a environ 17.000 plants à l’hectare pour la lavande vraie et près de la moitié pour le lavandin. En avril mai, c’est le travail du griffonnage, c’est à dire un désherbage mécanique avec un griffon positionné à l’arrière du tracteur suivi d’un apport d’engrais organique dans les terres. Le début de la floraison commence vers le début du mois de juin.
La récolte de la lavande
La récolte se fait mi juillet à mi août suivant l’altitude et les conditions climatiques. Dans les grandes exploitations, la récolte se fait par des tracteurs dans les champs bien mûrs. Les gerbes sont laissées sur champ deux ou trois jours pour se pré-faner au soleil avant d’être amenées à la distillerie.
L’huile essentielle de lavande AOP
Le Château du Bois à Lagarde d’Apt dans le Luberon pratique encore la distillation de la lavande comme un art. Elle ne concerne que la culture de la lavande fine, Lavendula angustifolia P. Miller. Cette lavande vraie est cultivée en population, donc sans sélection clonale. La distillation doit être précise et rigoureuse pour réussir la transformation de cette fleur magique en une huile essentielle de première qualité. Celle-ci est protégée par un label de qualité, l’appellation d’origine protégée AOP «Lavande des Alpes de Haute-Provence».
Le pré-fanage de la fleur sur andin
La lavande ne fleurit qu’une fois par an. Il est important de la distiller à bonne maturité. Les sommités fleuries sont rassemblées en gerbes. Pour améliorer le séchage des épis, une rangée semée d’herbe est aménagée dans le champ toute les six raies de lavande fine. Grâce à un tapis télescopique, la coupeuse déverse la lavande sur cet espace libre appelé andin. La lavande est ainsi bien étalée et elle sèche parfaitement sous le soleil de Provence.
La distillation traditionnelle par vapeur d’eau
Deux ou trois jours après la récolte commence la distillation. Le travail dure environ quinze jours. Cette période est la plus excitante car c’est l’aboutissement d’une année de travail! Pour recueillir les extraits odorants de la lavande, on procède par distillation à la vapeur d’eau.
L’eau chauffée dégage de la vapeur d’eau qui passe dans un vase de distillation appelé alambic rempli de fleurs de lavande fine bien tassées. La vapeur d’eau chargée d’huile essentielle monte dans le col du cygne puis passe à travers un serpentin plongé dans une cuve d’eau froide pour refroidir le mélange. L’essence de lavande, plus légère que l’eau, remonte rapidement à la surface. Elle est recueillie dans un essencier muni deux robinets. Le plus haut permet de recueillir l’huile essentielle, le plus bas de retirer l’eau florale, appelé hydrolat.
Le repos de l’huile en fût
Enfin, comme pour les grands crus de vin, l’huile essentielle de lavande fine a besoin de mûrir lentement. C’est la phase de stabilisation de l’essence. Les précieux fûts d’huile essentielle sont stockés cinq mois dans les caves du domaine du Château du Bois avant d’être conditionnés en petits flacons.
Des alambics familiaux
On commence à distiller la lavande au 16e siècle. Autrefois, chaque producteur possédait son propre alambic. Les femmes avec les enfants, les paysans et les bergers allaient couper la lavande à la faucille dans la montagne et les hommes étaient chargés de la distillation sur les lieux de culture. Il existait également des distillateurs ambulants qui se déplaçaient de ferme en ferme ou s’installaient sur les places des villages.
L’alambic à feu nu
Dans le Musée de la Lavande à Coustellet dans le Luberon, je découvre une remarquable collection d’alambics. Les plus anciens datent du 17e siècle. Les alambics mobile à feu nu étaient en général en cuivre et façonnés à la main. Ils se composaient d’un vase coiffé d’un chapeau, prolongé d’un col de cygne. Celui-ci se terminait en serpentin que l’on baignait dans le bac de réfrigération. De l’eau fraîche captée à une source ou un ruisseau suffisait à refroidir la vapeur. Le feu était alimenté soit au bois, soit par de la paille de lavande récupérée après distillation.
L’alambic avec panier
C’est à la distillerie de lavande Les Agnels à Apt que je complète mes informations sur les différentes techniques de distillation de la lavande. Le premier progrès notoire fut l’apparition du panier. Cette grille métallique sur laquelle on dépose les gerbes sépare dans la cuve l’eau de la plante tout en permettant une manutention plus aisée de la lavande.
L’alambic au bain-marie
La lavande est mise en culture au début du 20e siècle, apportant des améliorations dans les techniques de distillation. Mis au point dans les années 1920, l’alambic au bain-marie présente une évolution importante dans la distillation de la lavande. L’eau chauffée et la lavande sont placés dans des compartiments différents. Les cuves sont plus grandes et la chauffe de plusieurs cuves peut se faire avec un seul foyer. Grâce au mamomètre, la distillation se fait avec une pression et une température constantes. L’huile essentielle gagne ainsi en qualité avec un réel gain de temps.
L’alambic à vapeur
Au début du 20e siècle, les alambics à vapeur ont une chaudière qui fonctionne au départ avec de la paille, recyclage de la lavande distillée, du bois ou du charbon. Cette chaudière va permettre de distiller plusieurs vases de fleurs en alternance. La mécanisation de la récolte est apparue dans les années cinquante, la machine à couper les épis remplaçant la faucille. Les chaudières fonctionnent aujourd’hui au gaz ou au fuel.
La distillation en vert
La récolte de vastes étendues de lavandin a donné naissance à une nouvelle méthode, la distillation en vert. Cela consiste à former des bottes et à les acheminer sans délai vers la distillerie. Depuis les années 90, les lavandiculteurs pratiquent également pour le lavandin la distillation en vert broyé. Les épis de lavandin sont broyés et envoyés dans une benne. La distillation se fait tout de suite après la coupe. Ces techniques de distillation donnent une note ‘verte’ à l’huile essentielle et ne s’appliquent pas à la lavande vraie.
L’extraction par solvants volatils
Inventée à la fin du 19e siècle, l’extraction par solvants volatils va révolutionner la parfumerie car elle va permettre d’obtenir une matière première végétale encore plus intense en parfum. Les fleurs coupées sont mises à macérer dans un solvant en rotation dans des cuves. Le solvant dissout les principes aromatiques. Il est ensuite évaporé par distillation. L’extrait pâteux et très parfumé ainsi obtenu s’appelle la Concrète. Cette substance renferme tous les composants odorants et huileux de la matière végétale.
De la Concrète à l’Absolue
L’étape suivante consiste à faire macérer la concrète dans de l’alcool afin de la rendre soluble et d’en extraire l’intégralité des molécules odorantes. Après plusieurs filtrages pour éliminer les impuretés, un évaporateur élimine l’alcool. Le liquide épais et très aromatisé s’appelle l’Absolue. C’est la fragrance la plus puissante et la plus pure utilisée en parfumerie. Une tonne de lavande vraie donne environ 15kg de concrète qui peuvent délivrer jusqu’à 10 litres d’absolue.
L’essence et fleurs de lavande
Chanel, Dior, Lanvin… la plupart des grands parfumeurs utilisent l’essence de lavande, l’absolue, dans leur laboratoire. Mais la lavande entre également dans la composition de savons parfumés, eaux de toilette, lotion et crèmes diverses. L’eau de lavande parfume le bain et fait une eau de toilette délicieuse.
Les ravages de la cicadelle
Les producteurs de lavande et de lavandin sont confrontés depuis plusieurs années au dépérissement de leurs plantations. L’agent pathogène en cause est le phytoplasme du Stolbur, une bactérie transmise par la cicadelle, un insecte volant qui fait des ravages dans les champs de lavande. Il n’y a pas de solution miracle si ce n’est d’arracher les plantations malades.
Pour lutter contre la cicadelle, une rotation des cultures est conseillée avec une culture intermédiaire d’engrais verts, seigle, vesce ou moutarde brune entre deux plantations. Le couvert d’un paillage au pied des plantes stimule la vie du sol en permettant un meilleur enracinement de la plante. On conseille aussi l’utilisation de plants sains et le choix de variétés de lavandes et lavandins plus résistants.
La fête de la lavande à Sault
Les Corsos et fêtes de la lavande s’épanouissent au gré des périodes de récoltes et de distillation. Situé au pied du Mont Ventoux, Sault est la capitale de la lavande. C’est le 15 août que les rues du village s’animent autour d’activités liées à la lavande vraie cultivée sur le Plateau d’Albion. Défilé de chars décorés avec attelages et groupes folkloriques, marché de producteurs de lavande et de produits régionaux, championnat de France de coupe de lavande à la faucille, une belle fête organisée sur le plus haut hippodrome de France.
Carnet de route
- Musée de la Lavande à Coustellet, www.museedelalavande.com
- Le Château du Bois à Lagarde d’Apt, www.chateaudubois.com
- Distillerie de lavande Les Agnels à Apt, www.lesagnels.com
- Fête de la lavande à Sault, www.fetesdelalavande.fr
Pour découvrir mon Guide du Luberon, les plus beaux villages du Luberon et les Ocres du Luberon, rendez-vous dans la rubrique Voyages, Europe, et sur le jardin de la Louve à Bonnieux, rendez-vous dans la rubrique Jardins, France du Sud, ou cliquez sur les liens.
Bonsoir,
Je souhaite organiser un mariage provençal à Florence pour le 22 août 2022 et je recherche un producteur de lavande.
Avez-vous la possibilité de vendre quelques centaines de fagots de lavande ? Pensez-vous que d’ici le 22/8 il sera possible d’avoir de la lavande fraîche ?
Merci et salutations,
Alessandro
Bonjour Alessandro, Je ne suis pas un producteur de lavande donc je ne pourrai pas vous aider. Bonne chance pour le mariage provençal en Toscane.