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la passion du voyage et des jardins.

Le «White Garden» de Sissinghurst, dans le Kent, est devenu une référence culte chez les amateurs de jardins. Ce n’est qu’un des dix jardins à thème soigneusement ouvragés.

Au coeur du Kent

C’est dans la belle et riche campagne du sud de l’Angleterre, dans le Comté du Kent, que se situe Sissinghurst. Géré aujourd’hui par le National Trust, c’est l’un des jardins les plus célèbres au monde et il accueille chaque année des milliers de visiteurs. Sissinghurst est l’oeuvre d’un couple peu ordinaire, Vita Sackville-West (1892-1962), célèbre poétesse, romancière et jardinière et son époux Harold Nicolson (1886-1968), écrivain et homme politique. Deux fils viendront sceller cette union, Lionel Benedict et Nigel Nicolson.

Sissinghurst Kent

Vita Sackville-West

Fille unique d’un couple aisé, Vita fut élevée dans le luxe. Elle passe une enfance solitaire dans le grand château familial de Knole House qu’elle regretta longtemps de n’avoir pu posséder. Son adolescence se déroule dans un pensionnat de filles où elle apprend les arts et les langues. C’est à cette époque qu’elle prend conscience de ses dons pour l’écriture et qu’elle eut la révélation de son orientation sexuelle, deux données qui allaient déterminer sa vie. Elle fait de nombreux voyages, surtout en France et en Italie mais également en Iran, en Grèce et au Chili. Elle ramenait des végétaux pour les introduire dans son jardin.

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Le groupe de Bloomsbury

Malgré son attirance pour les femmes et sa relation particulière avec Virginia Woolf, Vita épouse en 1913 Harold Nicolson, jeune diplomate de bonne famille. Elle le trouvait joyeux et intelligent et était charmée par sa prévenance et sa jeunesse. Tous deux faisaient partie du groupe de Bloomsbury, cénacle d’écrivains, de créateurs et d’artistes d’avant-garde. Ils menaient à Londres une vie de bohème avant la Grande Guerre et dans les années qui suivirent. Formant un couple atypique mais de parfaite compagnie, leur union allait tenir bon et la camaraderie allait se renforcer, au même titre que le respect mutuel.

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Les ruines d’un manoir élisabéthain

Après avoir habité un cottage à Long Barn, près de Sevenoaks, Vita et Harold découvrent en 1930 Sissinghurst. C’est une ruine dont aucune pièce n’est habitable. Deux bras d’une ancienne douve constituent un plan d’eau.  Il ne reste presque plus rien du monumental manoir renaissance construit à la fin du XVIe siècle par l’opulente famille Baker, apparentés par mariage aux Sackville de Knole. Juste une étonnante tour qui captive l’âme romantique de Vita et un porche d’entrée inséré dans une longue aile en briques roses très pâle, idéal pour faire pousser des plantes grimpantes.. «Je pense que nous très heureux ici», dit-elle à son fils Nigel alors âgé de 13 ans.

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La passion des jardins

Vita et Harold restaurent le corps de logis ainsi que les écuries où ils aménagent une vaste bibliothèque. Dans la tour, ils installent leur cabinet privé, un lieu d’écriture inspirant avec une vue imprenable sur le jardin et la campagne environnante. Le couple partage la passion des jardins. Et ils veulent faire de cette friche un jardin «chef d’oeuvre». La terre cultivée depuis au moins 400 ans est très riche. Mais pour l’instant, il n’y a que des choux, un dépôt d’ordures et un unique rosier qui, par chance, est inconnu des horticulteurs. C’est un Rosa gallica. Il a prospéré depuis lors et ses fleurs sont devenues célèbres sous le nom de roses de Sissinghurst.

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Vita est la jardinière

Pour Vita, le jardin représente un raffinement de la vie champêtre, un perfectionnement de la nature. Elle lisait de nombreux ouvrages consacrés au jardinage, visitait des jardins, demandait conseil à des experts et consignait quotidiennement dans son journal ses échecs et ses réussites. Pendant des années, de 1947 à 1961, elle a tenu la rubrique hebdomadaire du jardin pour «The Observer» ce qui la rendit populaire et attira à Sissinghurst des personnes qui désiraient la consulter. C’est ainsi qu’en 1937, elle a ouvert son jardin au public. Vita était fière de sa création et prenait plaisir à la montrer. Elle cultivait aussi beaucoup de plantes en pot. « J’aime, disait-elle, cet usage qui me rappelle l’Italie, l’Espagne, la Provence, où zinnias et œillets semblent vivre sans soin dans les cours ensoleillées. »

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Harold est l’architecte

Le jardin aux lignes fortes et classiques présente un savant canevas de murs et de haies qui cloisonne dix jardins d’inspirations différentes. Très à l’aise dans le dessin, Harold exprime son goût classique en projetant un plan composé de lignes droites, des allées, de grands axes de promenade courant du nord au sud et d’est en ouest avec, comme points terminaux, une statue, une voûte, un escalier ou une paire de peuplier. Dans chaque jardin, on a une double perspective sur la campagne au travers des ouvertures pratiquées dans les murs ou les haies. Ces perspectives sont le secret de Sissinghurst. En avançant, on découvre, l’un après l’autre, chaque jardin et l’on va de surprises en surprises.

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Des plantations débordantes, informelles et romantiques

Si l’idée des dix jardins cloisonnés viennent de Harold, c’est Vita qui a l’idée de donner à chaque chambre de verdure une destination très précise. C’est elle également qui possède ce génie démesuré, extravagant, exubérant, pour associer les végétaux entre eux. On y retrouve ses plantes favorites comme les roses et son génie paysagiste. Les massifs de plantations conçus avec beaucoup de goût assemblent une prodigieuse collection de plantes associées par couleurs, souvent dans une palette restreinte, mais déployées en de multiples nuances, dans un subtil équilibre d’ombre et de lumière.

Sissinghurst Kent
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Le cottage garden

Les chambres du jardin bordés de charmilles et de buissons vaporeux étaient pour Vita comme les pièces et les couloirs d’une grande maison sans toit, d’où le raffinement, la poésie enchanteresse et l’élégance extrême de l’ensemble. Le cottage garden est le premier jardin entrepris chronologiquement. Le rouge, l’orange et le jaune dominent. Planté en 1930, un rosier grimpant, ‘Madame Alfred Carrière’, couvre dès la fin mai le cottage de ses nombreuses fleurs doubles, très parfumées. Ailleurs, on découvre un jardin d’herbes aromatiques, un jardin de printemps et une pelouse de thym qui contribue, par sa douceur et ses parfums, à la réputation du lieu.

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Des roses anciennes

La roseraie rassemble une des plus vastes collections de rosiers anciens de toute l’Angleterre. Vita adorait les roses botaniques et les anciennes roses françaises. Le rosier « Souvenir du Docteur Jamain’ lui doit d’avoir été remis en circulation. Elle s’intéressait à l’histoire des roses, comme la rose gallique rouge sombre, probablement ramenée d’Iran par les Arabes au 17e siècle. Elle a consacré un essai au rosier moyesii qui, pour elle, évoquait parfaitement la délicatesse et le lyrisme de l’art chinois. Les rosiers ne sont pas cantonnés dans la roseraie. On les retrouve un peu partout associées aux iris et aux clématites. Ils sont tous taillés avant Noël, quelques uns en buissons, mais la majorité est attachée à des demi-arceaux de noisetier, formant ainsi une sorte de dôme. Ce système leur permet de multiplier les floraisons.

Sissinghurst Kent
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Le jardin blanc, gris et argent

Renommé pour sa beauté froide, le célèbre jardin blanc est divisé en carrés bordés de buis, compartimenté par des passages en briques et remplis de plantes à fleurs et à feuilles où dominent les couleurs blanches, grises et argentées. Harmonieusement équilibrées par la verdure en toile de fond, les floraisons des rosiers ‘Iceberg’, les pivoines blanches, digitales, delphiniums, brumes de gypsophiles, hydrangeas, lis virginaux, campanules chinoises, clématites, glycines, chèvrefeuille, buddleias blancs et vieux amandiers se succèdent suivant les saisons, créant un ensemble d’une blancheur remarquable en harmonie ou en contraste avec ses voisines. Au milieu du jardin blanc trône une tonnelle en fer sur laquelle s’étale un rosier grimpant, Rosa mulliganii, couvert à la fin du mois de juin de grappes blanches au parfum enivrant. Souvent imitée, cette création n’a jamais été égalée.

Sissinghurst Kent
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Un must pour les amoureux des jardins

A la mort de ses parents, Nigel Nicolson hérite de la propriété composée d’un château, de jardins, de bois, de fermes et de terres agricoles. L’énormité des droits de succession l’amène à confier l’ensemble de la propriété au National Trust, un organisme qui gère dans le pays plusieurs centaines d’autres jardins. Le domaine est aujourd’hui religieusement entretenu par les meilleurs jardiniers et de nombreux bénévoles. C’est un jardin incontournable à visiter à chaque saison, un ‘must’ pour tous les amoureux des jardins, mais gare aux heures d’affluence pour profiter au maximum de cet endroit sublime.

Sissinghurst, visite des jardins, de la tour de 78 marches qui offre une vue superbe sur le jardin, d’une exposition dans l’ancien séchoir à houblon de la ferme, restaurant, café, boutique souvenir et jardinerie. Cranbrook, Kent TN17 2AB  www.visitbritain.com et  www.natinaltrust.org.uk

Reportage publié en 2015 dans L’Eventail (www.eventail.be)

Rendez-vous dans la rubrique Jardins, France-Bretagne, Angleterre du sud pour découvrir mes reportages sur les jardins de Pashley Manor , Great Dixter, Borde Hill  et Wisley  à ou cliquez sur les liens.  

Sissinghurst Garden

 

 

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