Terre de bergers nomades, de steppes et de hauts plateaux, le Kirghizistan est pays de hautes montagnes d’une incroyable beauté.

 

Huit jours en solo au Kirghizistan

Un matin de septembre, le ciel est limpide avec un grand soleil. Je suis au Kirghizistan, une petite république d’Asie centrale qui faisait partie de l’ex bloc soviétique. Les hautes montagnes qui culminent à 7000 mètres d’altitude couvrent 95% du pays.

En huit jours, je vais suivre un circuit de 1500 kilomètres dans les montagnes et les hauts plateaux où vivent les nomades, loger sous yourte au bord des lacs d’altitude et suivre une multitude de gorges escarpées creusées par des rivières nées dans les glaciers.

Jour 1, 200km, 6 heures de route

Un chauffeur m’attend à l’aéroport de Bichkek, capitale du Kirghizistan. Son combi 4×4 (le bleu sur la photo) a un look rétro avec des suspensions fatiguées et de grandes fenêtres qui s’ouvrent comme dans un bus. Nous allons suivre pendant deux heures la route nationale qui traverse la Vallée de la Chouy et qui relie la capitale aux provinces du Sud.

Col de Too Achou à 3500m d’altitude

L’aventure commence! Nous bifurquons vers les contreforts des Tian-Shan, les Monts Célestes, de hautes montagnes où vivent l’ours brun, le mouton sauvage Marco Polo et le léopard des neiges. Serpentant entre des falaises abruptes et déchiquetées, la piste va nous amener au col de Too Achou qui culmine à 3500 mètres.

Vallée de Soussamyr, 2300m d’altitude

On passe sous un long tunnel mal éclairé qui mène à la Vallée de Soussamyr. Au coeur d’un cirque de montagnes, cette terre de culture et de pâturages est entourée de collines aux courbes douces. Le changement de saison s’annonce au Kirghizistan. Le vert des prairies fait place au velours doré de la steppe.

Kyzyl Oy, 1800m d’altitude

Les eaux cristallines et tumultueuses de la rivière Kokomernen nous mènent au village de Kyzyl Oy entouré d’impressionnantes montagnes couleur ocre. C’est l’un des rares villages existant sur ce qui fut l’ancienne Route de la Soie au Kirghizistan. Notre guest-house borde la rivière. Nous sommes accueillis par Elivra, jeune institutrice du village et déjà mère de quatre enfants.

Jour 2, 180km 5 heures de route

La rivière crée des îlots de verdure où sont installées quelques fermes. Entre chaque village du Kirghizistan s’élèvent des cimetières. La tombe proprement dite n’est qu’une simple butte de terre recouverte de graviers et précédée d’une stèle. Mais d’autres s’entourent de hauts murs, de piliers et de coupoles.

Nous bifurquons vers le sud est pour rejoindre le lac Song-Kul. La route empierrée grimpe jusqu’à la mine de charbon à ciel ouvert de Kara Ketche. L’ascension est pénible car la piste est fréquentée par des centaines de camions qui soulèvent des nuages de poussières.

Col de Kara Ketche, 3384m d’altitude

Notre 4×4 atteint enfin le sommet du col de Kara Ketche. L’endroit est superbe avec une vue à 360 degrés. Dans ce plateau qui s’étend à perte de vue vivent des loups, des renards, des aigles et des marmottes.

Sur l’horizon apparaissent les silhouettes d’immenses troupeaux de moutons et de chevaux. C’est une terre de pâturages, les jailoo, où les nomades kirghizes restent tout l’été pour surveiller leurs troupeaux.

Depuis des millénaires, la yourte est l’abri par excellence des bergers nomades d’Asie centrale. De forme arrondie, elle est constituée d’une armature en bois recouverte de plusieurs couches de feutre. Elle possède une porte, assez basse, toujours orientée vers le sud. Au sommet, une ouverture circulaire assure le passage de l’air et de la lumière.

Dès la fin du printemps, les bergers viennent installer leurs yourtes dans les alpages pour surveiller leurs troupeaux de moutons, vaches et chevaux. Le cheval est le meilleur compagnon du nomade. De petite taille, il est très endurant, capable de parcourir de grandes distances dans une même journée.

Lac de Song-Kul, 3000m altitude

Encerclé par les montagnes du Tian-Shan qui se reflètent dans ses eaux turquoises, le lac Song-Kul forme forme un spectacle extraordinaire. Ce lac d’altitude s’étend sur 25 km et n’est accessible que deux à trois mois de l’année. Les rives du lac accueillent en juillet le Festival de la transhumance.

Au bord du lac sont installés quelques camps de yourtes qui hébergent les touristes. Ma yourte est confortable avec un vrai lit, de bonnes couvertures et un petit poêle à charbon. Un éclairage électrique alimenté par un groupe électrogène est assuré pendant une heure ou deux à la tombée de la nuit. Seules les toilettes et le point d’eau pour se laver sont situés à l’écart. La nuit venue dévoile une voûte céleste incroyablement étoilée. (voir mon reportage sur Dormir en yourte au Kirghizistan)

Jour 3, 260km 6 heures de route

Nous quittons le lac de Song-Kul le matin de bonne heure. Les bergers nomades sortent les chevaux et les moutons de leur enclos qu’ils guident à cheval. Le troupeau regroupé la veille se disperse sur les collines d’alentour. Pendant la journée, chaque cavalier ne cesse d’aller et venir derrière son troupeau qui trouve en abondance dans ces immenses pâturages naturels de l’herbe et des ruisselets provenant de la fonte des neiges.

Col Moldo-Ashu 3300m d’altitude

Nous atteignons rapidement le Col Moldo-Ashu survolé par un couple de condors. C’est un des cols de montagne les plus extrêmes et les plus spectaculaires du Kirghizistan avec des pentes couvertes de sapins et une vue panoramique sur les glaciers des sommets.

C’est ensuite une descente vertigineuse avec des lacets à pic qui attirent les amateurs d’adrénaline et de conduite en voiture, à moto ou à vélo. La pente est très raide et le chemin est parfois caché sous les nuages ou un brouillard dense.

Nous arrivons à une large plaine bordée des plissements de la montagne. On bifurque à gauche pour suivre la vallée qui mène à Naryn. Cette petite ville étape est le passage obligé pour rejoindre le caravansérail de Tach Rabat ou le col de Torugart qui forme la frontière entre le Kirghizistan et la Chine.

Forteresse de Tach Rabat, 3200m d’altitude

Nous quittons la route pour escalader les monts At-Bashy en remontant le cours d’une rivière. Voici enfin Tach Rabat, l’un des caravansérails les mieux conservés d’Asie centrale. A 3200 mètres d’altitude, l’endroit est d’une invraisemblable beauté. Le silence est absolu.

Tach Rabat signifie Forteresse de pierre en Kirghize. Ce monastère forteresse de pierre fut construit au 10e siècle par des chrétiens au coeur des Monts Célestes. Le monastère fut transformé en caravansérail sur la Route de la Soie venant de Kashgar en Chine. La pièce principale surmontée d’un dôme donne accès à une trentaine de petites salles. Il y a un puits, un cachot et des souterrains. (voir mon reportage sur Tach Rabat)

Dans ce site magnifique à 3500 mètres d’altitude, nous logeons dans un camp de yourtes aménagé par des fermiers qui vivent ici toute l’année de l’élevage des chevaux et des yacks. C’est de la bouse séchée de yack qui servira à faire démarrer le petit poêle qui vient réchauffer ma yourte jusqu’au milieu de la nuit. (voir mon reportage sur Dormir en yourte)

Jour 4, 230 km, 6 heures de route

Retour sur nos pas jusqu’à Naryn que l’on va dépasser pour rejoindre le lac Issyk Kul. La route serpente dans les montagnes pour atteindre le col du Dolon à 3038 mètres d’altitude, sur la route principale qui mène au village de Kochkor. Puis c’est un large plateau d’altitude avec quelques fermes et de grandes herbes de fauche pour récolter le précieux fourrage qui va nourrir le bétail pendant l’hiver. A Kochkor, je fais une halte dans le petit musée de l’artisanat local où j’admire le Shyrdak, tapis de feutre coloré élaboré dans les hautes terres du Kirghizistan.

 

Lac Issyk Kul, 1600m d’altitude

Une route cabossée à travers la montagne débouche sur Balakchy qui borde le fameaux lac Issyk Kul surnommé la perle du Kirghizistan. Cette immense étendue d’eau émeraude de 180km de long sur 60km de large est le plus grand lac alpin au monde après le lac Titicaca en Bolivie. L’eau du lac légèrement salé et alimentée par de nombreuses sources thermales ne gèle jamais.

Bokonbaevo, 1600m d’altitude

La rive sud du lac Issyk Kul est la plus sauvage avec des vergers qui croulent en cette fin d’été sous des petites pommes croquantes. Au loin j’aperçois les neiges éternelles de la chaîne de montagnes du Tian-Shan.

A Bokonbaevo, j’ai rendez-vous avec un dresseur d’aigle, une tradition familiale depuis trois générations. Nursultan porte son aigle à bout de bras sur un large gant en cuir qui lui permet de se protéger des énormes serres. La tête de l’aigle est parfois recouverte d’un chaperon de cuir qui l’empêche de voir et d’être distrait.

Pour ce type de chasse, on utilise exclusivement des aigles femelles capturées très jeunes dans la montagne. L’oiseau est apprivoisé par son dresseur qu’il prend pour son père. L’aigle encore jeune sera relâché dans la nature quand il sera adulte.

L’oiseau de proie est conduit par un assistant tout en haut d’une falaise pour prendre son envol. L’oiseau royal est libéré et l’aigle rejoint rapidement le dresseur qui agite au bout d’une corde une fourrure de renard comme leurre. Pour récompenser son aigle, Nursultan lui donne aussitôt un morceau de viande fraîche. Ce type de chasse permet d’attraper des lièvres, des renards ou des marmottes.

Jour 5, 180km, 3 heures de route

Sur la route vers Tamga, entre lac et haute montagne, un chemin de terre me mène au Canyon de Skazka. Façonnées par les vents et les pluies, les roches ocres, rouges et jaunes composées de sable, d’argile et de minéraux offrent un décor naturel qui ressemble au Far-Ouest. Il vaut mieux venir tôt dans la matinée pour éviter les touristes.

Gorges de Jety Oguz, 2200m d’altitude

Célèbre pour ses formations rocheuses de couleur rouge, ses rivières, ses chutes d’eau et ses sources thermales, la vallée de Jety Oguz porte aussi le nom de Vallée des 7 taureaux. Au pied des falaises se dresse un sanatorium de l’époque soviétique.

Jour 6, Karakol, 1700m d’altitude

Karakol est une base idéale pour les amateurs de trekking et d’alpinisme. Le dimanche, c’est le jour du marché aux bestiaux qui rassemble des milliers de personnes et d’animaux. C’est le plus grand marché aux bestiaux du pays. Je me faufile entre les moutons, les chèvres, les vaches et les chevaux. On regarde, on palpe, on discute. La poussière et la lumière sont confondues. Une intense odeur pique le nez.

En plein marché, j’assiste à une sorte de petit Oulak-tartych. De jeunes Kirghizes esquissent une lutte endiablée sur leurs fougueux étalons qu’ils poussent à coup de cravache.

Jour 7, 320km, 6 heures de route

Sur la rive du nord du Lac Issyk Kul, les stations balnéaires se succèdent. Les bords du lac sont un peu monotones mais dès que l’on remonte le cours d’une rivière, les paysages alternent des gorges étroites et des hauts plateaux.

Dans les gorges Grigorievskoe et Semienovskoe, nous assistons à la transhumance des troupeaux de moutons, de vaches et de chevaux conduits par leur berger à cheval. Quittant les pâturages d’altitude en septembre avant les premières neiges, les troupeaux descendent pour passer l’hiver dans les fermes de la plaine.

Jour 8, 200km, 3 heures de route

Avant le retour à Bichkek, je découvre le Parc national de Chon Kemin. Le parc s’étale sur 500 hectares à une altitude comprise entre 1400 et 2800 mètres. Une vallée qui abrite de nombreuses espèces d’animaux et de plantes. C’est l’endroit idéal pour une randonnée à cheval.

Carnet de route des Montagnes du Kirghizistan

• Y aller: Ce circuit de 8 jours au mois de septembre 2021 a été organisé par Travel Land, une agence basée à Bichkek en partenariat avec Evaneos. https://www.evaneos.fr/kirghizistan/ et https://trvlland.com/fr/
• Quand y aller: couvertes de neige d’octobre à avril, les montagnes du Kirghizistan sont inaccessibles en hiver. Les meilleurs moments pour découvrir le pays sont juin ou septembre.
• Se déplacer: en véhicule 4×4 sur de longues routes empierrées chaotiques et des pistes poussiéreuses ou bien à cheval, à moto, à vélo ou à pied.
• Yurt Camp: réserver à l’avance les logements dans les camps de yourtes, surtout en juillet août. Prévoir lampe de poche, sac de couchage et veste Polar car les nuits sont très froides. Baysh Yurt Camp au lac Song-Kul et Nazira’s Yurt Camp à Tach Rabat.
• Guest Houses: d’excellentes adresses Elvira Guesthouse à Kyzyl-Oy, Emely Guesthouse à Bokonbaevo, Jamilya Guesthouse à Karakol, Kemin Guesthouse à Tarsuu Chon Kemin.
• Tourisme local: Pour découvrir le mode de vie nomade et l’hospitalité kirghize, les CBT Community-Based Tourism ont développé des programmes d’éco-tourisme durable. https://cbtkyrgyzstan.kg/

 

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