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Les sculptures monumentales d’Antoine Leclercq sont un défi à l’équilibre. Des oeuvres d’art en acier qui semblent danser et murmurer un poème.

 

Des sculptures en acier

C’est à la Fête des plantes et du jardin de l’Abbaye d’Aywiers au mois de mai 2018 que j’ai rencontré Antoine Leclercq. Ce jeune architecte paysagiste exposait pour la première fois ses sculptures en acier Corten. La verdure généreuse du verger d’Aywiers était l’endroit parfait pour mettre en valeur la patine couleur rouille de ses oeuvres monumentales. Depuis lors, Antoine Leclercq a exposé au Sablon à Bruxelles, sur la digue à Knokke, à Londres, Hambourg et Milan. «Ma première sculpture a été créée dans le cadre d’une projet de stage en architecture à La Cambre pour être posée sur la promenade verte de Bruxelles. Ce fut pour moi une révélation, l’envie de construire des oeuvres d’art pour le paysage.»

Comme une ponctuation, les créations de l’artiste permettent une vision nouvelle d’un lieu ou d’un espace, rehaussant la beauté naturelle d’un endroit. «Une oeuvre d’art dans un jardin apporte quelque chose en plus du moment qu’un dialogue entre cette oeuvre d’art et son environnement s’instaure.»

Les oeuvres conceptuelles d’Antoine Leclercq sont souvent comparées à celles de l’artiste plasticien franco-américain Bernar Venet, star de la sculpture monumentale. Mais Antoine préfère se référer au sculpteur basque espagnol Eduardo Chilida et à son disciple José Oteiza et à leurs oeuvres abstraites qui jouent sur l’espace et le volume.

Dans l’atelier de l’artiste

C’est dans son atelier de Bruxelles que j’ai retrouvé Antoine. Un vaste hangar qu’il partage avec d’autres artisans. «Espace, lumière, énergie, matière… On s’y sent bien. La créativité y trouve sa place et les projets se bousculent. Je prend mes marques petit à petit, tente de me faire une place, puis je me laisse porter, et c’est alors que mon esprit s’évade.»

Le métal est son matériau de prédilection. «Je travaille l’acier Corten, un métal à corrosion superficielle que l’on utilise en architecture et en paysagisme en raison de sa parfaite résistance aux conditions atmosphériques. Bien des gens pensent que le métal est une matière froide et inerte. Pour moi, c’est un matériau vivant. J’aime le toucher, le poncer, le polir. J’ai besoin de ce contact physique avec la matière.»

Mother and daugher
Antoine Leclercq artiste (16)
Antoine Leclercq artiste (17)
Antoine Leclercq artiste (19)

Il faut près de deux cents heures de travail à Antoine Leclercq pour réaliser une sculpture monumentale. Chaque oeuvre est reproduite en trois tailles avec un à trois exemplaires numérotés. «Je dessine des croquis d’études avec des jeux de formes, de mouvement et d’équilibre avant de concrétiser les volumes par une maquette en carton d’une dizaine de centimètres.»

L’acier Corten

Les tôles en acier Corten de 3 à 5 millimètres d’épaisseur sont découpées en usine et cintrées à froid dans l’atelier. Assemblées puis soudées, elles donnent naissance à des figures monumentales abstraites et massives qui semblent défier l’équilibre.

L’oxydation de couleur rouille peut être provoquée par un accélérateur de corrosion qui rouille de façon homogène la surface sablée. Mais si on laisse faire le temps, l’oxydation se réalise naturellement en six mois à un an puis se stabilise dans le temps. La patine brute passe de l’orange pâle au brun marron. «Elle dessine, coule, teinte et change la surface de l’acier. C’est encore une science inexacte et difficilement maîtrisable pour moi, mais j’aime le mystère d’un résultat parfois heureux qu’elle peut apporter.»

Des oeuvres épurées

Massives mais légères, les sculptures d’Antoine Leclercq jouent avec la dualité entre le côté puissant de l’acier et la souplesse des formes épurées. «Je préfère les formes abstraites, simples, essentielles, avec le désir de révéler une certaine idée de la beauté pure, presque sacrée. Parfois, même dans la confrontation, il y a une forme d’équilibre, de justesse… une harmonie s’installe.»

La forme sculptée est l’expression d’un mouvement. «L’abstraction me donne une grande liberté et me permet de mieux traduire ce que je souhaite exprimer, à savoir donner de l’élan à mes sculptures, à un mouvement ou une émotion. Puis le souvenir vient se greffer à l’oeuvre. J’entends leurs histoires quand je les assemble, les plie, les soude, les polis, les tords…»

L’amour, l’étreinte et la danse

C’est ici que le forgeron devient poète. Sur son compte Instagram, l’artiste évoque la naissance de ses oeuvres, l’amour qu’il y met avec force et poésie. Il y parle de vie, de secrets, d’unions, de danses, de refuges et d’alliances, d’amour inconditionnel, d’étreintes et de souvenirs…

‘Openhands’ «C’est le thème que j’étudie pour le moment. Celui d’une main ouverte, tournée vers les cieux, véritable parabole appelant l’amour et la bienveillance, la main portée vers l’âme du monde. Comme un aimant elle attire et ne laisse pas repartir celui qui s’y plonge. Telle une abeille enivrée de pollen dans une fleur.»

«La température diminue, mon corps s’habitue à la chaleur mais sa sécheresse le trahit. Mes jambes fléchissent, mes pulsations ralentissent. Je songe et explore mes souvenirs à la recherche de la mer de mon enfance, celle qui a vu mes premières brasses, mes premières vagues… Ce sel sur mes lèvres tannées, ma peau minéralisée, à jamais dans ma mémoire.»

«Tes courbes se dessinent alors que ton âme n’est encore qu’une ébauche. Je savoure ce moment privilégié où tu te livres à moi, où tu m’appartiens encore. Sous l’ombre et lumière, c’est là bas qu’il faut te contempler.» 

«Fraîche et encore toute chaude comme un croissant sortant du fournil. Je l’entends se détendre et se laisser aller dans sa nouvelle enveloppe charnelle. Elle craque, rugit, chante, crie, puis murmure son existence… parfois j’en suis même saisi!»

«Les volumes se referment sur eux mêmes, emportant avec eux un soupir de mon âme, un souffle bien trop court, un amour inachevé, une idée encore ébauchée… Bientôt assemblés, ils pourront dire leur histoire, celle qui les reflète, une histoire alors pourvue de tout son sens.»

 

‘L’arche brisée’ «A quoi ça te fait penser? Un totem indien, un poisson, une baleine ou une orque qui plonge? Tout comme moi, les œuvres attendent avec grande impatience de sortir de l’atelier, d’être exposées au grand jour.»

‘La Valse de Lena’ «L’avant dernière valse, avant de terminer par ‘Les Danseurs’.

‘Les Danseurs’ « Par définition, ils bougent constamment. Ils cherchent, tout comme moi, la combinaison parfaite. L’ironie du sort aura voulu que la symbolique de cette sculpture me soit donnée en vrai, en réel. Tel un photographe, j’attends, je cherche, tourne autour et me demande quel sera l’instant, le moment, où je pourrai les figer mes deux beaux danseurs…»

‘Equilibre’ «Encore le même dialogue, deux êtres, deux âmes liées… Que tout rapproche mais que tout sépare. Ici on pourrait penser au thème éternel de l’homme et de la femme, d’une dispute, d’une tension que beaucoup oppose. Malgré cet affrontement, un équilibre apparaît.»

 

‘Le Baiser’ «Une étreinte serrée pour un baisé volé… Tels un renard dans la nuit, je marche sur la pointe des pieds pour ne pas les déranger.»

 

‘La Confrontation’ «Jusqu’au bout, elle m’aura donné beaucoup de fil à retordre, mais aussi, et surtout, énormément de plaisir… Ombre et lumière, rejet et attraction, haine et amour,… Tout n’est que confrontation équilibrée, une cohabitation juste et nécessaire, une symbiose de nos vies entremêlées…»

‘Les Alliances’ «Attendant l’aurore, elles ne cesseront d’être enlacées. Profondément enracinées l’une dans l’autre, je pense alors à nos liens passés, ceux qui tissent, ceux qui bâtissent, ceux qui embrasent la peau, déchirent le cœur. Alliance éternelle es-tu seulement un rêve?»

‘Le Secret’ «Il renferme une lueur, blanche comme son innocence, celle qui est au fond de nous, dans les abysses de notre âme… J’aime à penser que l’on y met le secret que l’on souhaite, car chacun a son petit trésor à préserver, à garder précieusement.»

Antoine Leclercq, sculpteur

L’expérience d’architecte paysagiste d’Antoine Leclercq et son approche artistique lui permettent de concevoir des sculptures en acier Corten de toutes tailles, des créations sur mesure d’après commande ou des pièces créées en atelier pour des expositions ainsi que des maquettes miniatures pour l’intérieur. https://www.antoineleclercq.com/

Expositions: 

Crédit photos Agnès Pirlot et Antoine Leclercq

Rendez-vous dans la rubrique Découvertes pour mes reportages sur la Fête des plantes de l’Abbaye d’Aywiers et sur les portraits des sculpteurs Olivier Strebelle et Xavier Dumont ou cliquez sur les liens.

 

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