20 ans de journalisme,
la passion du voyage et des jardins.

Artiste peintre, Claire Basler expose ses tableaux de fleurs à travers le monde depuis plus de trente ans. Rencontre dans son atelier au château de Beauvoir.

 

Le souffle de la vie

La peinture de fleurs de Claire Basler traduit sur les toiles la sensualité, la vitalité sans cesse réaffirmée. C’est un éloge de la beauté. A travers ses tableaux, Claire Basler a le don pour faire vivre le souffle de vie de la nature. On sent les fleurs plier sous les caresses du vent, l’odeur des sous-bois. La vie est là, avec ses émotions, sa beauté, sa force et sa fragilité.

Une enfance dans la nature

L’amour de Claire pour la nature remonte à l’enfance, aux étés passés dans le Jura dans une nature sauvage en liberté. «La nature est vivante, intelligente, c’est une compagne proche, stable, forte et fragile à la fois qui enseigne la patience. Elle est une source inépuisable d’inspiration, un émerveillement quotidien, magique.» Sa première commande en 1977 est un paravent à quatre panneaux qu’elle peint dans un minuscule atelier de dix mètres carrés. Elle peignait la porte ouverte, ses toiles débordant dans le couloir. La lumière s’y diffusait parcimonieusement, elle y inventait des fleurs.

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L’herbe vagabonde

Dix ans plus tard, Claire se retrouve dans une maison ouvrant sur un petit jardin. Elle découvre la peinture d’après nature qui ne la quittera plus. Son atelier suivant est installé dans une ancienne chaudronnerie à Montreuil. Dans ce vaste lieu, la maison entre dans l’atelier. Une lumière zénithale lui révèle l’infinie poésie des structures florales, l’imbrication de leurs formes, leur logique. D’un terrain vague contaminé de métaux, elle fait éclore un jardin fleuri aux herbes dites mauvaises.

Claire Basler est une rebelle, en quête perpétuelle d’équilibre entre le paisible et le fougueux. Elle aime les fleurs vagabondes, leur octroie une reconnaissance. «Ma rébellion siège dans la mauvaise herbe. Celle-ci m’enseigne la délicatesse inextricable d’une fleur. L’herbe vagabonde est le point d’orgue d’une sophistication délurée.»

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Le château de Beauvoir

Claire Basler dépose en 2011 son chevalet au château de Beauvoir à Echassières, tout au nord d’une Auvergne sauvage. Construit pendant la guerre de Cent Ans, cette ancienne forteresse a conservé un donjon qui offre une vue bucolique sur le bocage bourbonnais. Son atelier installé dans les anciennes écuries est immense, la nature généreuse. (voir mon reportage sur le château de Beauvoir)

Les carrés de la cour au pied du château fournissent une profusion de fleurs réunies en larges compositions florales. Bouquets d’anémones, de cardons, de pavots, d’ombelles de carottes et de fenouil, elle fait entrer le jardin dans la maison.

Un jardin intérieur

Le château se métamorphose en un palais de conte de fées avec des murs couverts de paysages infinis et poétiques qui se regardent comme des tableaux. Ils ouvrent en peinture la maison sur l’extérieur. Les bouquets surdimensionnés de mille fleurs se mélangent aux toiles qui tapissent les murs. Dans ce jardin intérieur, à la fois théâtral et empreint de fraîcheur, son talent fait surgir une végétation délicate et sensuelle, luxuriante et fragile.

«Juxtaposer différents plans questionne notre tenue à distance par rapport à la nature. Ma peinture guide autant vers l’observation attentive d’une composition qu’elle plonge avec démesure dans un détail. Partir explorer le proche comme le lointain, voilà la promenade que je propose avec les pièces peintes.»

Loin d’être un simple décor, l’illusion crée un tableau habité. Un courant d’air semble agiter les pétales aux murs et les robustes pierres du château se muent en troncs de bouleau. «La lumière joue sur les murs et, au final, cette nature devient très vivante. Je ne peux plus m’en passer.»

Au premier coup de pinceau, l’axe initial choisi par Claire doit être conservé, et ce aussi bien dans l’étude d’après nature que dans l’invention pure. Seules des années de pratique et une mémoire exercée lui autorisent cette spontanéité dénuée d’esquisse préalable.

Pour la commande d’une toile, le défi est différent. Entre un lieu défini, le souhait d’une personne et sa peinture, une conversation à trois s’engage. Ce désir d’un nouveau paysage ou d’un sujet vont faire surgir des phases inédites de peinture, dans un esprit de confiance et d’écoute mutuelle.

Un tourbillon de fleurs

Peindre les fleurs est pour Claire l’expression de la liberté, de sa liberté. Avec énergie et ténacité, elle suit son chemin contre vents et marées. Renoncer aux Beaux-Arts après quelques mois pour dire non au totalitarisme de l’art conceptuel qui seul à le droit de cité à cette époque peut sembler un acte fou. Pour Claire, c’est une évidence.

Les premières peintures de Claire Basler étaient profondément baroques. Devant la violence du monde, c’était une sorte d’enfermement mystique. En instinct de survie, Claire s’est tournée vers la complexe beauté de la fleur. «Je choisis de retourner la cueillir, de lui parler en silence, de pleurer, rire ou simplement sourire, en sa merveilleuse compagnie. Réfugiée dans la nature, à l’abri de son couvert, je traduis sur mes toiles l’apaisement qu’elle me procure.»

Si Claire a absorbé la nature grâce à une technique classique, par contre son sens de la composition a très vite révélé sa singularité. «L’inspiration est une forme de concentration parce que chaque moment de grâce est unique. Cette énergie mentale est visible dans le trait, le mouvement de ma peinture et la matière de mon travail. Le geste vif, précis, concis, cultive toute sa rapidité d’exécution, libère le sentiment tout en avivant l’émotion.»

La volonté, l’énergie et l’émerveillement de Claire trouvent leurs repères et leurs fondations dans la nature. «La nature vivifie mon regard parce qu’elle est excessive. Comme l’art lui-même est excessif. C’est un tout unissant excès et extase dans lequel je puise ma concentration. Et si la nature insuffle en moi une énergie, mon caractère m’impose de la faire grandir. Je me reconnais autant dans la vitalité d’un arbre que dans sa mort, dans l’éclaircie d’une fleur que dans son fané.»

Un fragment de monde

«Peindre, c’est chercher, fouiller, mais aussi vivre une expérience. Chaque jour, ma vue travaille à distinguer dans un paysage et son agglomérat de taches des formes puis à en décrypter les places. Chaque jour, mon regard cherche à croire en quelque chose. Une toile, c’est un fragment de monde. Si on ne peut embrasser la terre entière, il est possible d’en observer des instants, d’en saisir des fulgurances.»

Claire peint comme elle respire sans y penser, dans le naturel d’une nécessité vitale. Dans l’atelier, les toiles bataillent avec les ombres et les lumières qui s’interpénètrent sans limites. L’énergie est visible dans le trait, le mouvement et la matière.

En quête d’équilibre entre le paisible et le fougueux, Claire Basler s’inspire de la délicatesse aérienne d’un pavot et des fleurs sculpturales du cardon. Plus la peinture est vivante, plus la pièce vibre. Une vie commune, en équilibre de profusion d’instants.

Face à la toile achevée, Claire Basler s’étonne d’une fleur peinte en surprise d’être là. «J’existe dans ma peinture, non pas avec. Filtre entre moi et le monde, elle représente le possible d’une aventure. Une ouverture vers ce qui m’émeut, vers l’autre. Je n’en suis jamais revenue d’être peintre et, pour moi, c’est une fête tous les jours et pour toute la vie.»

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Claire Basler, artiste peintre

Les propos de Claire Basler sur sa démarche picturale ont été recueillis par son amie Hélène Lanscotte dans un livre remarquablement illustré par les peintures de l’artiste. «Claire Basler Peintures», Hélène Lanscotte, Editions Claire Basler. https://www.clairebasler.com/

Reportage publié en 2019 dans Eden (www.edenmagazine.be)

Rendez-vous dans la rubrique Voyages, France pour découvrir mon reportage sur le Château de Beauvoir où se trouve l’atelier de Claire Basler et dans la rubrique Découvertes, portraits, mon reportage sur Valérie Pirlot, peintre de plein air, ou cliquez sur les liens.

 

 

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