Poète, aquarelliste de talent, artiste et philosophe, Jean-Henri Fabre est un des derniers encyclopédistes français. Un remarquable entomologiste.
Un enfant fasciné par les insectes
Issu d’une famille très modeste, Jean-Henri Fabre est né le 21 décembre 1823 dans le Massif Central. Dominé par son château, le village de Saint-Léons est noyé dans un écrin de verdure. C’est à ses années d’enfance dans ce coin de nature sauvage du Lévézou que Fabre doit sa vocation de naturaliste. Jean-Henri est un enfant curieux, vif d’esprit, fasciné par la nature et les insectes qu’il ne se lasse pas d’admirer. Ce sera le curé du village qui lui donnera ses premières leçons de zoologie. Son père lui fait cadeau d’un abécédaire où chaque lettre est illustrée d’un animal. Puis, on lui offre les Fables de La Fontaine qui le font rêver. «Ah! le superbe livre, si bien dans mes goûts, avec ses maigres figures où la bête agit, parle.»




Au collège royal de Rodez
Durant l’été 1834, Jean-Henri est admis au collège royal de Rodez. Ces quatre années seront décisives. Il sert la messe, en aube rouge et surplis de dentelle, l’occasion de se familiariser avec le latin. Il goûte la sonorité de la strophe virgilienne et apprend par coeur les Géorgiques. Ce vaste poème que Montaigne tenait pour le plus parfait de la langue latine, chante la vie rurale, la noblesse et la vérité des travaux des champs, le bonheur profond des agriculteurs. «Il y avait, dans le cadre où se mouvaient les personnages, des détails exquis sur l’abeille, la cigale, la tourterelle, la corneille, la chèvre, le cytise. C’était vrai régal que ces choses des champs dites en vers sonores; aussi le poète latin a-t-il laissé tenace impression en mes souvenirs classiques.»
De la poésie à l’herboristerie
Jean-Henri Fabre doit hélas quitter l’école en 5ème pour gagner sa vie. Il effectue des petits travaux saisonniers qui lui permettent de survivre mais surtout d’acheter des manuels scolaires pour s’instruire. Il étudie beaucoup, ce qui ne l’empêche pas de se livrer à ce qui sera, toute sa vie, une de ses activités favorites: la poésie.
A 17 ans, il passe en candidat libre un concours pour l’obtention d’une bourse à l’école normale primaire d’Avignon. Reçu premier en 1840, il prépare son brevet supérieur et est nommé à 19 ans instituteur au collège de Carpentras, «dont le rude nom gaulois faire sourire le sot et penser l’érudit». Son collège est semblable à un pénitencier. Sa vie lui semble vouée à la médiocrité. Il se console le soir en explorant les quatre volumes de «L’Histoire naturelle des animaux articulés», par Blanchard, Brullé, Castelnau et Lucas, qui venait de paraître.






Parmi les safrans et les cyclamens
Peu à peu, sa vocation de naturaliste se précise dans son esprit. Le 30 octobre 1844, Fabre se marie. Le voilà chef de famille, à bientôt 21 ans. C’est en autodidacte qu’il prépare et obtient en quelques années le baccalauréat de lettres et de mathématiques, puis la licence de mathématiques et de physique. Un an plus tard, en 1848, Fabre est nommé régent de physique au lycée d’Ajaccio. Il succombe devant la beauté du pays. Il rencontre le botaniste avignonnais Requiem qui lui transmet son savoir et herborise «parmi les safrans et les cyclamens, gracieuse floraison printanière sous le couvert des myrtes».
Le chant des cigales et de la langue provençale
Fabre fait la connaissance d’un des grands naturalistes de l’époque, Moquin-Tandon, professeur à l’université de Toulouse. Savant érudit et poète, celui-ci lui conseille de laisser les mathématiques, de pratiquer la langue provençale et de se consacrer à l’étude de l’histoire naturelle et des insectes pour lesquels il est animé d’une authentique passion. En 1852, Fabre est nommé professeur répétiteur de physique et chimie au lycée d’Avignon, fonction qu’il occupe pendant 18 ans. Mais sa véritable vocation le conduit irréversiblement vers les animaux et les plantes.




Docteur en sciences naturelles
Il poursuit par ailleurs ses études et obtient une licence en zoologie et en botanique puis un doctorat de sciences naturelles. De cette époque, en 1855, datent ses premières publications sur les insectes. Il entretient des correspondances suivies avec la communauté scientifique et correspond entre autres avec Darwin à propos des abeilles. A partir de 1862, il commence à publier une série de manuels scolaires qui obtiennent tout de suite un grand succès.
En 1868, il reçoit l’insigne de Chevalier de la Légion d’honneur ce qui ne l’empêche pas d’être dénoncé par sa hiérarchie sous prétexte d’avoir parlé de la fécondation des plantes à des jeunes filles! Las de ces mesquineries, il démissionne de son poste d’enseignant et se retire à Orange avec son épouse et ses enfants. Grâce à la production de manuels scolaires, Jean-Henri Fabre atteint une certaine aisance matérielle qui lui permet d’acquérir en 1879 la propriété de l’Harmas à Sérignan du Comtat, un domaine d’un hectare près d’Avignon.




L’Harmas à Sérignan
L’harmas signifie en provençal terre en friche, là où le naturaliste laissait croître les herbes folles, des plantes locales et des fleurs mellifères qui faisaient le bonheur des insectes. «C’est là que je désirais: un coin de terre abandonné, stérile, brûlé par le soleil, favorable aux chardons et aux hyménoptères. Là sans crainte d’être troublé par les passants, je pourrai interroger l’amnophile et le sphex…» écrit-il. La bastide en crépi rose et volets verts abrite dans une annexe le laboratoire d’entomologie vivante du naturaliste. Longeant une allée de lilas, on entre dans le jardin par une petite porte en fer forgé. On est encadré par deux grandes haies de cyprès, des massifs de photinia, forsythia, bambous et rosier de Bankes. Au-delà du bassin agrémenté d’une fontaine qui attiraient la faune aquatique se dressent un cèdre de l’Atlas et un vénérable Pin d’Alep et des pins de Corse plantés par le naturaliste.
Souvenirs entomologiques
A Sérignan, pendant les 36 dernières années de sa vie (1879-1915), Fabre se consacre à l’observation de la nature et surtout l’étude des insectes mais aussi des plantes, des algues, des lichens et des champignons. Il retrace ses expériences dans les dix volumes de ses «Souvenirs entomologiques», oeuvre majeure qui mêle, dans un style très original, ses souvenirs d’enfance et des réflexions philosophiques à ses études sur la vie et les moeurs des insectes. Dix volumes paraîtront entre 1879 et 1907, traduits en 16 langues avec plus d’un million d’exemplaires jusqu’en 1925! Cette oeuvre unique lui attire vers la fin de sa vie une célébrité mondiale.


Des aquarelles et de la musique
Pendant les loisirs que lui laisse l’observation des insectes, Fabre peint des centaines d’aquarelles de champignons, écrit des poésies qu’il accompagne parfois de musiques de sa composition. Entouré de sa famille, il meurt dans sa maison à l’âge de 91 ans, le 11 octobre 1915.
Maison Natale de Jean Henri Fabre, 12780 Saint-Léons (Aveyron). L’entrée au musée se fait via la cité des insectes de Micropolis. www.micropolis-aveyron.com et www.visit-aveyron.fr/musee-jean-henri-fabre
Museum National d’Histoire Naturelle Harmas de Fabre, Route d’Orange, 84830 Sérignan du Comtat (Vaucluse). www.harmasjeanhenrifabre.fr
Plus d’infos sur www.e-fabre.com
- « Souvenirs entomologiques », Jean-Henri Fabre, éditions Robert Laffont 1989
- « Jean-Henri Fabre, petite biographie d’un grand naturaliste », éditions Delagrave
- « Jean-Henri Fabre, Les Enfants de l’été », Margaret J. Anderson, éd A. Barthelemy
- « Jean-Henri Fabre en son harmas », Anne-Marie Slézec, éditions Edisud
Crédit photos Agnès Pirlot et MNHN Philippe Abel
Reportage publié dans L’Eventail en 2017 (www.eventail.be)